Lorsque le soleil rougeoie ... [Laurentius Lamberski]

La jeune femme écouta avec attention tout ce que le jeune homme lui révéla. Intuitivement, elle en avait déjà deviné la moitié, de par les bouts d'informations qu'elle avait glané ça et là dans ce que Laurence laissait échapper de temps en temps. Elle avait perçu cette aura de mensonge qui semblait planer autour de lui lorsqu'il recevait quelqu'un à la maison, ou sortait pour des rencontres dont elle ne savait jamais rien. Et l'autre moitié ne la surprit pas outre mesure. On apprend pas à se servir des plantes seulement pour soigner, apprendre à tuer fait aussi partie du processus d'apprentissage, ne serait-ce que parce qu'un herboriste doit connaitre les risques si la dose est inadaptée au patient. Quant à être l'égal des sbires de l'Oracle ...

La visage de la jeune femme était redevenu sérieux, et baissa les yeux sur ses mains. Lorsqu'il lui sembla qu'il avait terminé de parler, elle releva ses yeux vers lui.

- Laurence ..., commença-t-elle, avant d'hésiter.

La lueur de tendresse dans ses yeux ne s'était pas effacée pas malgré les révélations du jeune homme. Elle secoua la tête et lui sourit doucement.

- Je sais qui tu es. Je crois en toi, j'ai confiance en toi.

Elle se mit à genoux et posa sa petite main fraiche sur la poitrine du jeune homme, juste à l'endroit de son coeur.

- Ton coeur est bon. Et crois-moi, je suis tout à fait capable d'en juger.

Se rasseyant, son regard se détourna légèrement ; son visage prit un instant un air hésitant, presque effrayé. Puis elle reprit un air calme et releva les yeux vers lui.

- Mais tu as également le droit de savoir qui je suis vraiment. Je ne peux plus te le cacher.

Elle prit une profonde inspiration, paraissant ne pas savoir par où commencer. Puis elle sembla trouver et releva les yeux vers lui.

- Si je n'avais pas fui Ehn'Kilath je serais aujourd'hui une des plus puissantes des Servantes des Deux, exceptée l'Oracle. Parce que je suis une empathe, j'étais destinée à devenir une arme entre les mains des Deux.

Elle laissa le temps à une telle révélation de faire son chemin, et baissa les yeux sur ses mains. Inconsciemment, elle se tordait les mains nerveusement.

- J'ai vu nombre de chose qu'une fille de mon âge ne pourrait même pas connaître. J'en ai ressenti une autre partie. La mort, la misère, la perversité, le mal, ... L'envie, la cupidité, la jalousie, le sadisme, ... Je connais tout ce que ce monde a de plus affreux. Ma mère m'a vendue ...

Sa voix se brisa. Elle reprit une inspiration, puis continua.

- ... à l'Oracle. Mais cette femme ... est le mal personnifié. J'ai réussi à fuir ... j'ignore comment. Mais j'ai réussi ... et depuis ce jour, ils me recherchent.

Elle parut se recroqueviller sur elle-même, plus fragile que jamais. Elle se ferma à tout ce qu'elle pouvait ressentir, craignant trop de souffrir s'il la rejetait.

- Le temps du secret est révolu, souffla-t-elle finalement. Je suis désolée de t'avoir caché cela aussi longtemps.

Elle resta agenouillée à ses pieds, les yeux baissés, tremblante. Par cette attitude, elle lui signifiait qu'elle s'en remettait entièrement à sa décision. Elle connaissait la vérité, il avait le droit de la connaître, toute entière. Elle attendrait le verdict, complètement à sa merci. Même si cela signifiait briser tout ce qui les liait pour toujours.

Les larmes montaient déjà à ses yeux, s'attendant au pire ...

Il était resté immobile, comme suspendu aux lèvres de Miry. Il frissonna lorsqu'il sentit la main un peu froide sur son torse, mais il ne fit rien pour la repousser. Il l'écouta.

Cette jeune femme lui avait caché des dons que certain disaient magique, mais elle avait bien fait. Quoi qu'il en dise, il n'aurait pas put la caché d'Aloysus, et au lieu d'être une arme pour l'Oracle, elle serait devenu comme lui, une arme de la Lumière. Bien qu'il faisait ce qu'il faisait, il ne souhaitait pas qu'une autre personne, qui comptait pour lui, fasse la même chose.

Il lui faudrait beaucoup de temps pour assimiler tout ce que la jeune femme lui avait dit, mais à la fin, il était sûr d'une chose, en la voyant à genoux devant lui, regardant le sol : Elle craignait qu'il la repousse.

Mais à ses yeux, elle n'avait rien à se reprocher. Elle avait caché son don, mais au final, c'était pour sa sécurité. Et si elle ne l'avait pas fait, il en aurait parlé à Aloysus des années auparavant. Et puis, ce secret, la changeait-il vraiment? Au fond, elle l'avait toujours eu, et elle ne serait pas différente maintenant qu'il était rompu.

Il se pencha en avant, la prenant par les épaules. Il aurait aimé l'embrasser, d'autant qu'une petite partie de lui adorait la voir ainsi soumise, mais il n'en fit rien. Il la releva, et la regarda dans les yeux, baissant légèrement la tête pour être à la même hauteur qu'elle.

"Si on ne s'occupe pas de tes cheveux maintenant, il va falloir tout recommencer, ça serait dommage non?"

Il lui sourit, malicieux, et lui fit un clin d'œil, avant de pivoter sur lui-même, l'entrainant avec lui, et de la faire asseoir sans autre façon sur la chaise.

"Quant à ton secret, il sera bien gardé avec moi, ne t'en fais pas."

Il prit le peigne posé sur la table, et sans autre mot, il commença à retirer les nœuds de la chevelure de la jeune femme. Il n'hésitait pas à tirer, mais retenait toujours la mèche rebelle dans sa main, de sorte qu'elle ne sente rien. Finalement, il décida tout de même de se justifier, plus par malice qu'autre chose :

"Plus vite on aura fini, plus vite on ira au lit, et je t'avoue que je commence à tomber de sommeil. Et puis, une jolie fille à promit de partager ma couche, alors imagine comme j'ai hâte de dormir en la serrant contre moi!"

Il faisait exprès de paraître insouciant, car après tout, il la connaissait : si elle restait sous tension trop longtemps, elle risquait d'avoir une de ses crises de nerfs, et il ne le souhaitait pour rien au monde ce soir. Et puis, il fallait bien avouer qu'il avait vraiment sommeil, et vraiment hâte de dormir avec elle!

Elle releva à peine les yeux vers lui lorsqu'il la prit par les épaules. Il allait lui dire qu'elle pouvait partir sur le champ, ou quelque chose comme ça ...

"Si on ne s'occupe pas de tes cheveux maintenant, il va falloir tout recommencer, ça serait dommage non?"

La jeune femme retint un hoquet de surprise et esquissa un sourire, luttant de toutes ses forces contre les larmes.

- Oui, laissa-t-elle tomber finalement, entre le rire et les pleurs. Le tien aussi ...

Elle se laissa ensuite faire, laissant les larmes couler silencieusement. Laurence ne se contentait pas seulement de lui dire qu'il ne la rejetait pas, il lui disait aussi que cela ne changeait rien. Tout ce qu'ils avaient vécu, tout ce qu'ils avaient partagé, ou gardé pour eux ... rien ne changerait. Il serait là pour elle, et comptait bien sur le fait qu'elle soit là pour lui. C'était la meilleure chose qu'il puisse faire pour la rassurer et lui expliquer que cela ne comptait pas pour lui.
Puis, lorsqu'elle se calma enfin, elle dit avec un sourire :

- Moi aussi je suis épuisée. Un peu de repos nous fera du bien ...

Elle essuya ses yeux d'un revers de la main et laissa un sourire s'épanouir sur ses lèvres. Finalement, peut-être s'était-elle trompée ...

Laurentius la laissa pleurer. Oh, ce n'était pas qu'il aimait cela, bien au contraire, mais il savait que c'était sa façon de tout relâcher. Elle était en train de se calmer, et il préférait la laisser faire, et continuer à démêler ses cheveux.

D'ailleurs, de nombreux copeaux de teinture tombaient au sol au passage du peigne. Il n'en avait cure, ils laveraient ça le lendemain. De toute manière, c'était de la teinture sèche, donc cela ne craignait rien.

Finalement, il termina se démêler la chevelure de la jeune femme, et se rendit compte qu'elle venait de sécher ses larmes. Il posa ses mains sur ses épaules, doucement, et se rapprocha d'elle, pour finalement poser la tête de Miry contre son torse. Elle était dos à lui, mais cela ne le gênait pas.

Puis il se détourna, et la relâcha, allant chercher de l'eau dans une cruche. Il remplit un verre, et le lui apporta, se mettant devant elle. Il le lui tendit, en souriant, et dit :

"Tiens, bois, ça te fera du bien."

Puis son regard descendit, et il vit le décolleté de la jeune femme, en plongeant presque dedans. Une vague de désir le parcourut alors, mais il fit tout pour la contenir, et retira le drap de ses épaules pour couvrir la jeune femme. Pour se justifier, il dit d'une voix malicieuse, dans laquelle un accent un peu charmeur et de désir pointait :

"Avec une telle vue, aucun homme ne pourrait rester de marbre, il est plus sage de cacher ton décolleté ma belle."

Puis il prit la bassine vide, et s'apprêta à sortir pour aller la remplir d'eau.

La jeune femme écoutait les morceaux de teinture sèche tomber au sol, créant une sorte de doux crépitement lorsqu'ils atteignaient le carrelage. Se concentrant sur ce bruit envoûtant et sur la présence de Laurentius derrière elle, elle parvint à se calmer totalement. Les larmes se tarirent peu à peu, la laissant comme vide de tout malaise, de toute énergie. Les yeux tournés vers le plafond, des sillons humides partant de leurs coins, elle était totalement perdue dans ses pensées.

Elle songeait à ce qu'aurait pu être sa vie si sa mère l'avait acceptée, aimée, comme Laurentius et son père le faisaient. Peut-être ne l'aurait-elle pas vendue, peut-être auraient-ils vécu ensemble et plus tard, fui ensemble. Peut-être auraient-ils été heureux ensemble. Mais il n'en avait pas été ainsi. Et une des servantes qui s'était occupée d'elle au sanctuaire le lui avait dit : rien n'arrive jamais par hasard. Quel destin lui réservait donc le Tout-Puissant ? Elle aurait bien aimé le savoir. Mais il l'avait amené à rencontrer Laurence, et pour ça elle le remercierait.

Soudain, Laurence cessa de peigner ses cheveux ; elle émergea de ses errances songeuses et sécha ses larmes. Il l'attira contre elle un moment, et elle ferma les yeux. Son corps était chaud, ses mains étaient douces. Puis la présence rassurante s'éloigna, et Laurence revint avec un verre d'eau. Elle esquissa un sourire pour le remercier et avala doucement le liquide frais et sans saveur.

Elle faillit s'étouffer quand une puissante vague de désir se fit sentir. Relevant les yeux vers Laurentius, elle s'arrêta de boire pour le voir lui installer le drap autour d'elle. Le désir s'effaça presque aussitôt, sans toutefois disparaître ; il était là, sous-jacent, presque palpable, prêt à se réveiller à tout moment. Le regard pétillant de malice de Laurence rencontra celui azuré de la jeune femme, plein d'interrogation. Elle ne comprenait pas.
Ses cheveux étaient, non, avaient été bien trop clairs, sans parler de sa peau, rappelant le marbre blanc dont sont faites les statues. Dans ce camaïeu de pâleur, ses yeux faisaient peur, et elle paraissait toujours sur le point de se briser. De plus, elle avait déjà aperçu des belles femmes en allant faire le marché, et elle était loin de se considérer comme l'une d'entre elle.

Le rouge lui monta aux joues de façon fulgurante. Laurentius se trompait. Mais s'entendre dire ce genre de choses était en fait très agréable, oui ... Aussi elle ne le retint pas pour lui dire qu'il se trompait. Elle n'était pas jolie, mais elle ne pouvait nier qu'elle sortait de l'ordinaire. Il fallait bien que son don soit compensé quelque part ...

Une fois qu'il fut sorti, elle termina son verre d'eau et alla le remettre dans l'évier. Elle le laverait plus tard. Elle replaça aussi le drap comme une cape autour d'elle, veillant bien à en refermer les pans autour d'elle. Tout en attendant Laurentius, elle joua avec une de ses mèches de cheveux, raidis par la teinture, et s'amusa à les tresser.

Laurentius emporta la bassine avec lui, et se dirigea vers la salle d'eau, tout en réfléchissant. Si la jeune femme pouvait sentir les sentiments d'autrui, elle connaissait les siens. Elle savait donc... Il haussa les épaules : elle les avaient ressentis, et ne l'avait pas rejeter pour autant, alors pourquoi s'en faire?

C'était donc l'esprit tranquille qu'il remplit la bassine d'eau. Plus qu'à se rincer tous les deux les cheveux, a démêler les siens, et ils pourraient enfin aller au lit. Il avait l'impression que Miry était aussi fatiguée que lui. Ce n'était pas vraiment étonnant après tout, si elle faisait des cauchemars quand il n'était pas là... Et puis, cette soirée avait été pleine d'émotion.

Il revint dans la cuisine, et déposa la bassine sur la table, puis tendit la main vers la jeune femme assise sur la chaise, qui jouait avec une mèche de ses cheveux. Il lui dit d'une voix douce :

"Il est plus facile que tu te rince les cheveux debout avec la bassine sur la table, qu'en penses-tu? Pendant ce temps-là, je pourrais me démêler les cheveux, on gagnera du temps."

Il l'aida à se lever, puis reprit le peigne, et commença à se coiffer. Il faisait attention à ne pas trop tiré, mais plus pour éviter d'abimer le peigne que pour faire attention à lui. Il commençait vraiment à ne plus pouvoir tenir debout, il prit donc place sur la chaise. Mais il regardait Miry, souriant.

Miryäna sourit en voyant la main du jeune homme se tendre vers elle. Elle glissa la sienne dans celle de Laurentius et se dirigea vers la bassine en disant doucement :

- Oui, cela sera plus rapide comme ça.

Puis elle alla chercher un petit récipient, et le remplit d'eau avant de le poser à côté de la bassine. Elle ramena ensuite ses cheveux vers l'avant, et se pencha légèrement pour se positionner juste au dessus de l'eau. La jeune femme se renversa ensuite le contenu du petit récipient sur la tête, et le rempli encore plusieurs fois pour rincer correctement ses longs cheveux.
L'eau tombant dans la bassine était trouble et sombre. On ne vit bientôt plus le fond du récipient. L'eau chantait en ruisselant des cheveux bruns de la jeune femme. L'eau redevint peu à peu translucide, bien que teintée par la couleur sombre du produit. L'excédent de teinture était parti.

Miryäna se tordit les cheveux, puis recommença une fois ou deux à les rincer, au cas où il resterait de la teinture. Ne tenant plus le drap, il glissa, révélant sa taille fine et ses longues jambes. Les cheveux trempés et les joues brûlantes, elle ne put le ramasser que lorsqu'elle eut entièrement essoré ses cheveux. Elle referma alors le drap sur elle une nouvelle fois, et prit la bassine entre ses mains.

- Je vais te changer l'eau, Laurence. Je reviens ...

Avec un sourire, elle quitta la pièce, tenant le drap comme elle pouvait et se dirigea vers la salle d'eau.

Le peigne faisait ses aller-retours tranquillement, retirant les copeaux de teintures sèche et coiffant en même temps les cheveux de Laurentius. Le jeune homme pour sa part sourit de toute ses dents lorsque le drap ne daigna pas rester sur les épaules de Miry et tomba au sol sans attendre. Il profita du fait qu'elle était de dos, même si, se dit-il, elle pouvait peut-être savoir ce qu'il pensait, pour la regarder de bas en haut.

Il n'avait pas vraiment eu l'occasion de pouvoir la regarder si longtemps dénudée depuis bien longtemps. Elle était effectivement belle, même si elle était un peu trop mince et trop peu sûre d'elle. Mais tout cela allait vite changer.

Elle continua ainsi à se laver les cheveux, alors qu'il remarqua qu'elle était toute rouge. Peut-être que c'était d'avoir la tête penchée, ou bien le fait de n'avoir pour seul habit qu'une tunique qui ne masquait aucunement ses jambes ni ses formes. En tout cas, cela amusa le jeune homme, qui sourit avant de grimacer en tombant sur un noeud dans ses cheveux. Il aimait avoir les cheveux long, mais il fallait bien avouer que cela n'avait pas que des avantages.

Puis la jeune femme se retira, pour aller lui chercher de l'eau, emportant avec elle le drap qu'elle tenait tant bien que mal. Faisait-elle cela pour lui, ou pour elle? Il haussa les épaules, amusé. Dans les deux cas, cela lui allait.

"Oui, moi j'ai fini ici, je t'attend."

Il se mit à son aise dans sa chaise, et la fatigue commença bien vite à ré-attaquer. Pour s'empêcher de s'endormir, il se mit à penser. Si Miry devait maintenant l'accompagner, il faudrait qu'elle apprenne à se battre, mas quelle serait l'arme qu'il allait lui apprendre à manier? Les lames parallèles étaient ses armes de prédilections pour le combat rapprochée, et son long fusil pour le combat à distance. Mais c'était des armes très offensive, faites pour tuer sa cible, et non sortir du combat sans une éraflure. De plus, c'était des armes massives, difficiles à cacher... Puis il eut une idée, elle apprendrait à manier l'arbalète de poing. Ses bracelets ne se voyaient quasiment pas, et étaient très puissant, tant pour tirer à dix mètres qu'à bout portant.

La jeune femme revint dans la cuisine et posa la bassine remplie d'eau claire sur la table. Le drap avait encore une fois disparu, et la rougeur sur les joues de la jeune femme ne pouvait laisser aucun doute. Elle savait très bien dans quelle tenue elle se présentait devant Laurentius.

- Voilà l'eau pour tes cheveux.

Miryäna alla s'installer avec la chaise près de la cheminée pour que ses cheveux sèchent un peu plus vite. Elle continua à les démêler avec son peigne pour que les mèches sèchent séparément. Elle dévisagea un instant Laurence. Elle allait dormir à ses côtés ce soir. Cette décision n'avait pas été prise à la légère, mais cela la gênait tout de même un peu.
Leur relation ne serait plus celle d'une élève et de son maître. Elle partirait en voyage avec lui au lieu de rester à l'attendre. Oh, elle n'avait pas peur du danger, ayant toujours vécu avec. Et puis Laurentius lui avait donné quelques cours de combat ; elle connaissait les bases. Mais cela serait à coup sûr différent de ce qu'elle avait déjà connu.

Le sommeil prenait possession d'elle, lui chantant une douce mélopée envoûtante à l'oreille. Ses paupières devinrent lourdes, et elle dut secouer la tête pour ne pas s'endormir. La chaleur du feu était agréable, ses cheveux mouillés la maintenaient au frais, elle savait que bientôt elle dormirai paisiblement dans les bras de Laurence. Ses yeux se fermèrent finalement. Elle commençait à somnoler lorsqu'elle remarqua qu'elle n'entendait plus le bruit de l'eau.

Au son des pas qui se rapprochaient, elle devina que Laurence approchait. Il semblait attendri ...

Lorsque Miry entra dans la pièce, il ne put s'empêcher de sourire, autant devant le spectacle de la jeune femme en si simple appareil que devant son air embarrassé. Elle s'était défait de son drap, alors qu'elle aurait très bien put au contraire se rhabiller. C'était surement qu'une part d'elle aimait l'idée que Laurence la vois ainsi... L'idée lui plaisait bien.

Il hocha la tête, et dit :

"Merci. Ça ira vite, je n'en peux plus."

Il se mit devant la bassine, puis se pencha, jusqu'à mettre toute la tête dedans. Cela lui fit l'effet d'une douche froide, mais il frotta vigoureusement ses cheveux, et ressortit la tête de l'eau. L'eau lui coula dans le dos, et un long frisson lui remonta l'échine tout du long. Il essora ses cheveux en penchant la tête sur le côté, puis replongea.

Il fit cela plusieurs fois, autant pour se réveiller que pour bien nettoyer toute la teinture, puis finalement arrêta. Il se détourna de la bassine, et regarda Miry, amusé. Sa tête dodelinait de droite et de gauche, et il souri.

S'approchant doucement d'elle, il ne la vit pas se retourner. Soit elle dormait vraiment, soit elle l'entendait arriver, soit elle était captivé par le feu. Dans tous les cas, il n'avait pas vraiment envie de la sortir de sa rêverie. C'est pourquoi il resta un moment debout, derrière elle, avant de finalement contourner la chaise.

Il se mit devant elle, puis se baissa, et sans rien dire ni rien demander, il la prit dans ses bras, et la souleva de la chaise. Puis il se mit à marcher vers la chambre, autant en la regardant qu'en regardant où il posait le pied.

Le froid de l'eau avait fait son petit effet, et il était bien réveillé, mais pour combien de temps?

La jeune femme avait été tellement gênée, obnubilée par le fait de devoir se montrer en petite tenue devant Laurence, qu'elle en avait totalement oublié que maintenant que la teinture avait été rincée, elle ne risquait plus rien à remettre sa robe. De ce fait, le vêtement était resté sur le petit meuble, à côté de la cheminée où le feu se mourait petit à petit.

Lorsque Laurentius la souleva de terre, Miry ne put retenir une exclamation de surprise. Elle rouvrit les yeux pour croiser le regard amusé du jeune homme qui la portait comme une jeune mariée. Les joues brûlantes, pour ne pas changer, elle songea que sa peau était douce et chaude. Elle ferma de nouveau les yeux, et un sourire vint naître sur ses lèvres.

- Tu es plus fatigué que moi, et je me fais encore dorloter ..., fit-elle doucement en relevant à nouveau le regard vers lui.

Ils venaient d'arriver dans la chambre de Laurence. Le feu se mourait doucement ici aussi ; Miryäna l'avait allumé juste avant que le jeune homme ne rentre. Dormir au chaud, l'un avec l'autre, leur ferait assurément du bien ...

Lorsqu'il la déposa à terre, elle prépara les draps pour qu'ils n'aient plus qu'à s'y glisser et attendit à côté du lit, ne sachant trop que faire dans une telle situation. Ses cheveux recommençaient déjà à onduler, et avaient pris une délicieuse couleur chocolat. Et l'odeur de plante fraiche qui s'en dégageait à cause du fait qu'il étaient humides émanait autour d'elle. Elle releva ses yeux bleus vers Laurence, et attendit quelques secondes.

Laurentius la regarda, et sourit, la serrant légèrement contre lui. Elle avait refermé les yeux, et semblait bien heureuse. Elle lui fit remarquer qu'elle se faisait dorloter, mais il remarqua qu'elle ne s'en plaignit pas, même pour le principe. Il lui répondit donc sur un ton diligent :

"Être le centre d'attention des hommes est l'apanage des dames Miry, murmura-t-il alors qu'elle le regardait de nouveau. De plus, c'est un plaisir de t'avoir aussi près de mon cœur."

Il savait qu'il allait la faire rougir, et savait aussi qu'il en faisait beaucoup, mais la fatigue, et la proximité de la belle, l'enhardissait. Finalement, il la déposa à terre et alla vers le feu, remettant du bois dans l'âtre. Puis il ferma le battant de la cheminée, et se retourna, pour rejoindre la jeune femme qui attendait près du lit, comme perdu.

Il lui laissa un instant, puis s'assit sur le lit, la regardant tendrement. Avec une autre femme, il aurait prit l'initiative, l'aurait couverte de baiser, mais pas avec Miry. Il sentait qu'elle n'avait pas l'habitude de toutes ces choses, elle semblait un peu perdue. Il voulait donc lui laisser le temps, que tout cela avance à son rythme, et non au sien.

Il prit sa main, y déposa un baiser, puis l'attira contre lui, alors que de l'autre main il soufflait la chandelle. Il la fit s'allonger, passa ses bras autour de sa taille, attira sa tête sur son épaule, et regarda le plafond, écoutant silencieusement sa respiration. Le sommeil viendrait vite, il le savait.

"Bonne nuit ma toute belle. Ce soir, aucune mauvaise pensée ni aucun mauvais rêve ne viendra déranger tes songes, je te le promet."

Il se pencha pour déposer un baiser sur le front de la belle, et se remit à l'écouter.

Ne sachant pas trop de quelle façon Laurence voulait qu'ils s'installent, la jeune femme continua d'attendre au pied du lit. Le jeune homme vint s'assoir au bord du lit, juste en face d'elle, après avoir ravivé le feu. Il durerait toute la nuit et les protégerait du froid de la nuit.

Dans les yeux bleu-gris du jeune homme, elle ne vit que de la tendresse, du sommeil, et de l'attention. Lorsqu'il lui prit la main, elle enserra doucement les doigts chauds de Laurence avec les siens, froids et fins ; avec un doux sourire, elle se laissa entrainer contre lui. Un sourire qu'il ne pouvait voir naquit sur ses lèvres. Combien de fois l'avait-elle imaginé dans les bras de filles de joies ou autres masseuses ... Mais cette fois-ci c'était dans les sien qu'il serait pour la nuit.

La jeune femme se laissa faire, écoutant son corps réagir aux baisers et gestes de Laurentius. Lorsqu'il lui promit qu'elle dormirait paisiblement, elle se releva à demi et lui chuchota :

- Merci, Laurence.

Répondant à une impulsion qu'elle ne comprit pas, elle déposa un baiser au coin de ses lèvres et se recoucha à ses côtés, la tête sur son torse. Qu'est-ce qui lui avait pris ? Elle ne savait pas. Mais une chose était sûre. Elle dormirait bien ce soir.

Laurentius était déjà sur le point de s'endormir, lorsque la jeune femme bougea. Il releva la tête, intrigué, puis il la sentit. Elle était toute proche, le parfum de ses cheveux emplissant les narines de l'homme. Soudain, il sentit un baiser être déposé sur ses lèvres.

Elle s'en alla aussi vite qu'elle était venu, et il n'eut pas le temps d'y répondre. Finalement, peut-être était-ce mieux ainsi, pour eux d'eux. Il la serra un peu plus contre lui, puis tira la couverture sur leur deux corps.

Le souvenir de ce baiser tournait et retournait dans son esprit, et il se mit à sourire béatement. Il était entièrement relâché, sans défense, et adorait cela. Pour une fois, il pourrait dormir sur ses deux oreilles, il le savait. Et cela lui ferait un bien fou, il le savait aussi.

Puis il se tourna, passant sa deuxième main sur elle, pour venir se poser sur sa taille, et sa respiration se fit plus lente. Le sommeil était là, enfin, et il ne le repoussa plus. Une minute plus tard, il avait sombrer dans un autre monde.

Elle se réveilla doucement, au son des oiseaux qui gazouillaient. Un rayon de soleil jouait sur sa joue. Elle ouvrit doucement les yeux, et se demanda pourquoi sa chambre lui semblait si étrange. Et soudain, elle se rappela.

Relevant doucement les yeux, elle croisa le regard de Laurence, qui l'observait. Elle se mit à rougir d'un coup sans vraiment savoir pourquoi. Elle bredouilla d'une petite voix enrouée :

- Bonjour Laurence ...

Puis elle tenta de se calmer et, se relevant à demi, lui sourit doucement.

- Tu as bien dormi ?

Elle ramena les draps sur elle, son décolleté ayant été jugé provocant la veille. Puis elle se mit à jouer avec une mèche de cheveux, pour en regarder la couleur au soleil. Sa chevelure avait pris une teinte chocolat approchant du noir, et cela contrastait admirablement avec ses yeux et sa peau.

Elle revint à Laurence en sentant son amusement, et attendit sa réponse.

Cela faisait un moment que Laurentius s'était réveillé. Une des mèches de cheveux de la jeune femme l'avait tiré de son sommeil en venant le chatouiller sous le nez. Il n'avait pas bouger, ne souhaitant pas réveiller sa compagne, et l'avait regarder dormir. Il regardait sa poitrine se soulever et se baisser doucement au rythme de sa respiration. Elle semblait en paix.

Puis, elle ouvrit un œil, puis l'autre, et se releva lentement. Elle tourna sa tête vers lui, et elle rougit tout à coup. Le jeune homme eu un doux sourire, attendrit et amusé. Il lui répondit dans un murmure, parlant à voix basse :

"Bonjour Miry. J'ai dormi comme un enfant dans les bras de sa mère, et toi?"

Elle remonta les draps sur elle, et il sourit de nouveau, alors que lui même resta à moitié nu. Puis la lumière du jour perça les rideaux, et il la vis avec sa nouvelle couleur de cheveux. Cela lui allait bien, voir même très bien. Cela rehaussait ses yeux d'un bleu éclatant, et entourait son visage blanc d'un halo brun.

Il passa une de ses mains sur la joue, puis dans les cheveux de la jeune femme, et dit :

"Cela te va bien, qu'en penses-tu?"

Lui même avait les cheveux d'une couleur allant du châtain au brun, qui au contraire ne contrastait plus avec son visage halé par le soleil. Cela le changeait légèrement, lui donnant un air peut-être un peu plus jeune.

- Suis-je donc une mère pour toi ? Plaisanta-t-elle en prenant un faux air boudeur.

Elle arrêta de jouer avec ses cheveux, et reposa sa tête sur le torse du jeune homme, répondant à une impulsion qui la surprit elle-même. C'était comme si son corps savait quoi faire ... Une sensation bien étrange.

- Quant à moi j'ai très bien dormi. J'ai même fait un rêve agréable ...

Elle se mit à sourire doucement, encore heureuse à cette pensée. Elle n'avait que peu de rêves qu'elle pouvait qualifier d'agréable. Elle n'en avait d'ailleurs jamais. Lorsqu'elle dormait d'un sommeil sans rêves, elle pouvait s'estimer heureuse ... Plongée dans ses pensées, elle laissa courir le bout de ses doigts sur la peau de Laurence inconsciemment, et émergea quand il glissa sa main dans les longs cheveux de la jeune femme.

- Ah, oui, cela a une jolie couleur, je trouve. Quant à toi, cela te ... rajeunit en quelque sorte.

Elle lui sourit. La gêne qu'elle avait ressenti tout à l'heure était toujours là, mais commençait à s'estomper. Pour sûr, dormir dans les bras de Laurence était une expérience qu'elle retenterait volontiers ...

Laurentius la regarda, et, prenant un air malicieux, répondit :

"Un rêve agréable? Voyez-vous cela? Et y étais-je?"

Il se fichait un peu de la réponse, mais la question valait, elle, le coup d'être posée. Et puis, la faire se rappeler d'un rêve agréable ne pouvait pas être une mauvaise chose. Par contre, ce qui pouvait l'être, c'était de lézarder au lit toute la journée.

Il prit une mèche de ses cheveux entre ses doigts, et sourit, murmurant :

"Parce-que d'habitude, je fais vieux?"

Il éclata de rire, puis après l'avoir un peu serré contre lui, il se dégagea, et se leva, face à la fenêtre. Il s'étira longuement, lâchant un long et profond gémissement de plaisir en sentant ses muscles se réveiller. Après presque une minute, il se retourne vers elle, et lui tend la main.

"Allez, il est l'heure de sortir, nous avons du pain sur la planche. Aujourd'hui commence ton véritable entrainement. Si tu veux pouvoir me suivre, tu dois être capable de te battre presque aussi bien que moi, et pour cela, il va te falloir beaucoup d'exercice!"

Il la regarda, comme la jaugeant, et hocha la tête. Oui, il lui fallait bien plus de muscle, mais aussi un peu plus de graisse. L'énergie, et la puissance, voilà ce qu'il lui fallait. Et puis, elle serait encore plus jolie avec un peu plus de forme.

- Il était agréable, c'est tout ...

la jeune femme tenta de jouer la malice, mais ses joues devinrent légèrement roses. Mais elle se mit carrément à rire lorsque Laurence fit semblant de se vexer.

- Non, bien sûr, répondit-elle à sa pique d'un ton amusé.

Il rirent de bon coeur ensemble. Puis elle s'abandonna un instant dans les bras rassurants du jeune homme, avant qu'il ne se lève. Se relevant à demi, elle l'observa s'étirer. Que de muscles ... Elle regarda ses bras à elle, et soupira légèrement. Ayant pratiqué des exercices pour entretenir son corps depuis son enfance, elle possédait une force supérieure à la normale chez les femmes. En comparaison de l'une d'elle, Miryäna aurait pu se défendre sans problème si elle avait été agressée dans une ruelle par exemple. Mais l'entrainement régulier n'altérait pas sa silhouette, et elle possédait à présent des muscles déliés mais fins.
Aussi lorsque Laurentius parla d'entraînement, elle ne s'en fit pas outre mesure. Non pas que cela serait facile, mais bien parce qu'elle se savait capable de progresser.

Elle glissa sa petite main dans celle du jeune homme désormais brun, et se releva grâce à son aide. Elle faisait presque une tête de moins que lui, et paraissait maigre à côté de lui. Elle lui sourit alors qu'il l'observait, puis elle dit doucement :

- Je vais m'habiller, et préparer le déjeuner. Rejoins-moi quand tu es prêt ...

Et elle s'éclipsa en silence.

Laurentius l'aida à se lever, puis la regarda filer. Voilà la Miry qu'il connaissait, qui, aussi discrète qu'une petite souris, sortait de sa chambre pour aller faire à manger. Oh, et puis, il avait déjà bien assez déranger le quotidien de la jeune femme, alors il la laisserait faire.

Pour sa part, il fit quelques mouvements d'échauffement, surtout pour vérifier s'il avait dormi dans une bonne position. Mais il ne sentit rien d'anormal, alors il alla vers la penderie. Dedans, il prit un pantalon de cuir, ainsi qu'une chemise blanche ample. Tout était là, bien plié, bien rangé, et il soupira, amusé : Qu'est-ce que sa maison deviendrait si la jeune femme n'était pas là durant ses absences?

Il prit ses affaires, et alla vers l'unique miroir de sa chambre, puis s'observa. Il avait un peu maigrit à cause du voyage, mais il restait assez imposant. Combien de fois cela lui avait-il sauvé la vie? Il ne s'en souvenait plus, mais il savait que non seulement beaucoup réfléchissaient avant de s'attaquer à un homme de sa carrure, mais en plus, nombres de ses cicatrices n'étaient dues qu'a des blessures superficielles parce-que les lames étaient trop courtes ou n'avaient pas été assez loin en lui.

Et puis, il devait bien avouer que la vision qu'il offrait, il en était fier. Cela était dut à des années d'entrainement, de gros efforts, et de discipline, alors pourquoi ne pourrait-il pas en être fier?

Il s'habilla rapidement, puis se donna un coup de brosse, avant de finaliser sa coiffure par un ruban bleu pour attacher son catogan. Il avait quelques courses à faire avec Miry avant de véritablement la faire suer.

Finalement, après un bon quart d'heure, il sortit de sa chambre, et alla vers la cuisine, puis s'arrêta. Ses pensées vagabondes lui avait souffler une idée à essayer. Il ferma les yeux, puis, ne sachant pas vraiment quoi faire, il se concentra sur Miry. Il fit le vide dans son esprit, ne voyant plus qu'elle, à moitié dénudée comme hier soir. Puis il se concentra sur son visage, lâchant un soupir. S'il y avait bien une chose vers laquelle il pouvait focaliser toutes ses pensées, c'était bien sur cette jeune femme qu'il adorait comme sa mère, qu'il aimait comme sa fille, et qu'il désirait comme sa femme.

La jeune femme passa d'abord par la cuisine chercher sa robe, puis rejoignit sa chambre pour l'enfiler. Elle sourit d'un air satisfait en se regardant dans le miroir : le tissu n'avait pas trop souffert, il n'y avait presque pas de plis. Elle démêla ensuite ses cheveux, qu'elle trouva étonnement doux, et les tressa en couronne autour de son crâne.
Elle se regarda une nouvelle fois dans le miroir, et ne se reconnut pas. En face d'elle, elle voyait une jeune femme aux joues légèrement roses, aux yeux bleus perçant que la couleur brun foncé de ses cheveux faisait ressortir. Le reflet était mince, sa silhouette féminine mise en valeur par la robe qui dénudait ses épaules et lui faisait une taille fine.
Vraiment, elle ne se reconnaissait pas là dedans, car le reflet était heureux, et cela se voyait. Secouant la tête, elle se détourna et rejoignit la cuisine.

Elle fit bouillir de l'eau sur le feu, qu'elle avait ravivé en arrivant dans la pièce. Des pommes étaient posées sur la table, en compagnie d'une miche de pain entamée, de deux tasses, et d'un bout de fromage. Puis elle se dirigea vers la réserve, pensive.

Oui, elle avait rêvé de Laurence. Mais elle ne se rappelait pas précisément de quelle façon. Elle gardait seulement une impression de douceur et de tendresse de ce rêve. Tout était déjà flou dans son esprit.
A ce moment précis, elle ressentit un fort sentiment mêlant plusieurs sentiments, de la tendresse, du désir, de l'affection, et s'arrêta net. Etait-ce Laurence ? Oui, elle le sentait. Un sourire naquit sur ses lèvres, et elle sentit ses joues la brûler. C'était la première fois qu'elle ressentait cet amour un peu spécial qu'il avait pour elle aussi fort.

Elle attrapa du thé noir, et un mélange de feuilles de framboisier, de cassis et de mûre. Lorsqu'elle revint dans la cuisine, Laurence y entrait. Elle prit la bouilloire, lui sourit et lui indiqua la table.

- Bon appétit.

Après avoir servi l'eau chaude, elle s'assit à côté de lui et laissa s'ouvrir les vannes qui retenaient son pouvoir. Elle laissa une vague de tendresse atteindre Laurentius, et lui sourit en lui jetant un regard en coin, rosissante. Un essai ; elle voulait voir comment il réagirait.

Il arrêta son exercice de concentration, puis passa la tête par l'entrebâillement de la porte, puis finalement rentra. Son expérience n'avait d'intérêt que si on lui donnait les résultats, il n'y avait pensé qu'après. Finalement, il haussa les épaules, et sourit :

"Bon appétit aussi ma belle. J'ai une faim de loup je t'avoue!"

Il prit sa tasse de thé, regarda Miry, puis se sentit soudain d'humeur plus tendre. Oh, évidemment, quand il la regardait, il se voyait encore avec elle dans ses bras l'emmenant vers son lit, mais quelque chose était bizarre. Il ne put s'empêcher de froncer les sourcils, puis remarqua le rose qui montait aux joues ainsi que les regards en coin qu'elle lui jetait. Il hocha la tête, et sourit. Ainsi, ça serait un des aspects de ce pouvoir qu'elle avait appeler empathie? Et bien, si c'était ce qu'elle désirait...

Il se pencha vers elle, reposant la tasse sur la table, et tendit la main vers son visage. Il lui caressa la joue, du dos de la main, et sourit. Sa peau était chaude au toucher, ce qui lui confirma ce qu'il pensait. Elle était gênée, et en même temps heureuse, ou exciter, comme si elle savait qu'elle faisait quelque chose de mal, mais qu'elle y trouvait un certain plaisir.

Il fit descendre sa main le long de la joue de Miry, puis effleura son cou, avant de remonter le long de l'oreille dont il dessina les contours, et finalement replaça une de ses mèches de cheveux. Il pencha la tête, et sourit, murmurant :

"Si c'est ce que tu souhaite, tu peux le dire tu sais, il y a des choses que tu n'as pas à me caché derrière ton pouvoir... Même si je dois avouer que c'est étrange comme sensation."

Étrange... Et déroutant aussi... Comment savoir si c'était là ses véritables sentiments, ou juste ce qu'elle voulait faire ressentir aux autres? Mais dans un sens, c'était peut-être plus simple pour elle de s'exprimer ainsi que par des mots? C'est pourquoi il rajouta tendrement :

"Mais si tu préfère laisser ton cœur parler ainsi, fait-le, cela me va."

Mais... L'avait-elle déjà influencer à son insu, avec son pouvoir? Certaines choses devraient être dites, et le seront, un jour ou l'autre. Mais pour l'heure, il préférait passer sous silence ses interrogations. La jeune femme s'était ouverte à lui, et il craignait qu'elle ne se referme à tout instant.

La jeune femme tourna son visage vers Laurence lorsque sa main vint toucher sa joue. Elle frissonna doucement à la douce caresse qu'elle reçut. Ainsi, Laurence avait bel et bien senti ce qu'elle voulait lui faire parvenir. Mais il l'avait interprété d'une façon assez intéressante ; il faudrait qu'elle s'en souvienne.

Lorsqu'il lui expliqua qu'elle pouvait demander si elle voulait quelque chose, elle se prit à sourire malicieusement à Laurence.
Que lui arrivait-il ? Elle ne se reconnaissait plus. Elle se sentait comme libérée d'un poids depuis qu'elle avait révélé l'existence de son pouvoir à Laurentius. Et surtout depuis qu'il l'avait acceptée toute entière sans même avoir l'air de la craindre. Peut-être que parce qu'elle savait qu'il ne la rejetterai pas, elle se laissait aller à être elle-même ... Elle ignorait encore ce qui se passait. Mais elle finirait bien par le découvrir.
Reprenant son air calme habituel, elle se dit que lui expliquer ce qu'elle venait de faire ne serait pas superflu. Mais tout d'abord, elle devait faire une chose.

- J'ai senti que tu pensais fort à quelqu'un ... à moi ?

Elle fit une pause.

- J'ai voulu te rendre la pareille ...

Retournant à son déjeuner pour ne pas rougir outre mesure, elle dit doucement :

- Et puis ..., commença-t-elle, hésitante. Je ne sais pas comment t'exprimer autrement ce que je ressens ...

Puis elle releva un regard interrogatif, sourcils légèrement froncés, vers lui.

- Quels mots faut-il dire pour cela ... ?

Oui, quels mots aurait-il fallu dire pour exprimer ce qu'elle ressentait en ce moment même ? En comparaison, laisser sortir ses émotions lui paraissait beaucoup plus simple ... Elle ignorait réellement tout de ces mots. D'ailleurs, existaient-ils ?

Laurence regarda la jeune femme, et au final sourit doucement. Elle n'avait pas l'expérience que lui avait dans le domaine de la vie sentimentale. Il ne devait pas l'oublier à l'avenir, ou il risquerait de la blesser.

Il prit la main de Miry dans la sienne, et la serra doucement. Ainsi elle avait bien ressentit ses pensées et ses sentiments envers elle. Mais ce qu'elle avait... émis, à défaut d'un meilleur terme, était ce qu'elle ressentait elle et non ses désirs. Quoique, dans le cas de la tendresse, lorsqu'on en ressent pour quelqu'un, on souhaite en recevoir en retour non?

Il prit une grande inspiration, puis finalement se lança pour répondre à cette question qui l'avait prit de court. C'était bien gentil de dire qu'on pouvait dire qu'on ressentait tel ou tel désir, mais c'était autre chose de le faire.

"Et bien oui, c'était bien à toi que je pensais. Je voulais savoir si tu le ressentirais, mais je suppose qu'il faut des sentiments réels pour que cela marche non?"

Il reprit une grande inspiration, puis finalement se lança :

"Tu sais, tu es quelqu'un qui compte beaucoup pour moi. Tu n'es pas simplement l'apprentie que j'ai engagé voilà bien des années. Tu n'es pas non plus seulement la femme qui s'occupe de ma maison. Tu es aussi celle qui m'attend, le visage rayonnant que je vois en rentrant, la femme qui prend soin de moi dès que j'en ai besoin. Tu me rappelle que je suis important aux yeux de quelqu'un, que je compte pour quelqu'un, et que cette personne, qui compte beaucoup pour moi, a confiance en moi, et a besoin de moi."

Il serra sa main dans la sienne une nouvelle fois, puis reprit :

"Des fois, je me dis que ma vie ne vaut pas vraiment le coup, que je suis là, perché sur un toit a attendre une victime dont je ne sais rien, que je ne suis qu'une arme en ce bas monde. Et puis alors, je pense à toi, et finalement, j'aime ma vie. Elle n'est pas toujours heureuse, mais je pense que si c'était à refaire, je le referais, juste pour t'avoir de nouveau à mes côtés."

Il avait mit tout son cœur dans ses paroles, mais s'était aussi un peu laissé aller. Mais au delà de cela, c'était vrai, ou alors c'était tout ce qu'il souhaitait.

Il laissa un moment se passer.

Miryäna avait acquiescé lorsque le jeune homme lui avait demandé s'il fallait que les sentiments soient réels. Oui, pour qu'elle ressent quelque chose, il fallait que les sentiments soient réels. Car si on peut dissimuler ses sentiments et en feindre d'autres, ceux ressentis ne peuvent être modifiés. Parfois, il arrive que des personnes ne ressentent rien ; des personnes comme l'Oracle, pour qui la vie n'avait pas plus d'importance que le reste, et pour qui seule leur personne et leur réussite comptait. Et encore, car dans le cas de l'Oracle, c'était encore un peu différent.

Et puis elle l'écouta. Les mots la touchèrent, mais pas autant que les sentiments qui les accompagnaient. Elle pouvait sentir que Laurence disait la vérité, et qu'il parlait avec son coeur. Elle l'écouta intensément, jusqu'au bout, laissant ses yeux bleus posés sur lui. Sa deuxième main était venue recouvrir celle de Laurence, la caressant doucement. Lorsqu'il se tut, elle lui sourit avec douceur.
Puis elle approcha ses lèvres de l'oreille du jeun homme, leurs joues se frôlant, et lui murmura, comme si elle avait peur de le dire à voix haute :

- Moi aussi, je le referai, si j'avais le choix.

Puis elle se redressa pour se mettre face à Laurence, et lui sourit une nouvelle fois, rosissante pour changer. Finalement, ses lèvres caressèrent celles du jeune homme d'un baiser, comme si elle osait à peine le toucher ...