Histoire officielle

[center][i][size=16][color:a3a1=orange]Génèse[/color][/size][/i][/center]

Il est dit qu'au commencement des temps, les Etendues Souveraines n'étaient qu'une et unies. Elles étaient demeure et jardins de Divinité.
Sans qu'elle n'eût commencé à se lasser, elle fût pourtant heureuse d'y voir accoster des humains. Elle leur offrît son gîte et son couvert. Leur offrît même sa demeure, en gage d'amitié. Et elle se retira en une autre de ses nombreuses existences. Pourtant, régulièrement, elle venait voir comment se portaient ses amis mortels. Ils prospéraient sous ses augures, s'appropriaient petit à petit terres et mers qui avaient jadis été siennes. Elle leur fût reconnaissante de ne point abandonner cet endroit qu'elle aimait tant et ne conçut pas la moindre jalousie. Qu'ils prennent leurs aises, elle avait amplement les moyens de reprendre ce qui lui appartenait le jour venu.
Et les humains en étaient parfaitement conscients. Aussi, pour conserver son amitié, lui élevèrent-ils un autel, puis un temple. Ils lui offraient leurs prières, des cadeaux, parfois un sacrifice lorsque les temps étaient particulièrement sombres.
Divinité se régalait de tout cela. Elle se délectait autant du parfum enivrant des offrandes que du goût métallique du sang.
Un jour, alors qu'elle ne s'était pas manifestée depuis fort longtemps, elle découvrît son temple à l'abandon, l'autel fendu, couvert de poussière.
Ainsi les humains n'étaient pas dignes de confiance. Elle entra dans une rage terrible. Et il n'est de colère plus redoutable que celle que l'on dissimule. Lorsqu'elle vint au devant des hommes, bien peu la reconnurent et si la plupart d'entre eux furent courtois, voire aimables avec elle, nul de la révérait plus.
Elle s'en repartît sans séjourner auprès d'eux comme elle avait pourtant l'habitude de le faire. Et quand elle quitta ce monde, un terrible Cataclysme advint. Tremblements de terre, orages, raz de marée, il ne resta plus rien de ce que les hommes avaient construit. Leurs terres avaient été ravagées, scindées en quatre. Au nord, un immense désert de roche couronné de glace. Rejoignant ce désert et plongeant jusqu'à la côte sud, des étendues sauvages, forêts impénétrables, ravins, monts escarpés, falaises à pic en front de mer. Seuls l'est et l'ouest avaient subi moins de dégâts. Très large bande de littoral accidenté pour l'orient, battue par les vents et les tempêtes, mais la terre était noire et riche. Vallées et plateaux encaissés pour l'occident, s'ils étaient à l'abri des éléments, ils connaissaient des hivers rigoureux, et les terres étaient comptées, quoique fertiles.

[size=16][color:223d=orange][i][center]Émergence des Étendues Souveraines et de leurs Dieux.[/center][/i][/color][/size]

Une grande partie de l'humanité fût décimée. Et ceux qui avaient survécu ne furent pas les plus chanceux.
Comment vivre en des terres totalement ravagées, rendues sauvages et dangereuses? Seuls les plus forts y parvinrent.
Ils se répartirent au fils des ans dans les différentes contrées qui s'offraient à eux. Fondèrent des villages, tentèrent de cultiver ou de chasser.
Et Divinité, les voyant faire, décida de les soumettre à des dieux. Plus jamais elle ne les laisserait sans surveillance. Après cette manifestation de sa terrible colère, elle avait décidé d'attendre. De les laisser oublier de nouveau, avant de s'abattre sur eux avec plus de violence encore.

Ainsi, il y a à présent 350 ans, peut-être 400, les Avatars sont les seuls encore en vie au jour d'aujourd'hui et n'ont sûrement pas compté les années si précisément, en son sanctuaire oublié, naquirent les quatre dieux. Et ces quatre dieux décidèrent d'appeler à eux quatre humains, qui seraient dévoués à les servir et à poursuivre leurs desseins sur ce que l'on commençait déjà à appeler les Étendues Souveraines.
Ceux qui à présent sont les Avatars ne se souviennent pas réellement de cet appel, ni de l'endroit où ils rencontrèrent leurs dieux, ni même de ce qui y fût dit.

Ils repartirent forts d'un but divin, magnifiés par le pouvoir de celui ou celle qu'ils servaient à présent.
Le Tout-Puissant s'était choisi une mère digne de ses caprices. Les Deux avaient jeté leur dévolu sur une servante qui saurait être aussi terrible qu'eux. Le Sans-Visage avait à présent le compagnon de route qu'il désirait. Et la Mère-Terre était enfin révérée à l'aune de sa grandeur.

Sans que l'on sache réellement de quelle manière, chaque dieu avait décidé des territoires qui lui appartiendraient.
Le Tout-Puissant règnerait sur les montagnes de l'Ouest, le Sans-Visage parcourrait les étendues du sud, les Deux disposeraient de la côte de l'Est et la Mère-Terre ferait vivre le Nord.

[size=16][color:8575=orange][center][i]Fondation des Étendues Souveraines[/i][/center][/color][/size]

Aloysus avait une religion à fonder. Elle rejoignit les montagnes qui étaient à présent son empire, et, durant de nombreuses années, les sillonna pour dénicher jusqu'au mieux caché, et lui apprendre l'existence du Tout-Puissant. Dotée d'un caractère d'une force impressionnante, et capable, grâce à son dieu, de convaincre au-delà du raisonnable, elle parvint à réunir assez de gens qui la suivirent dans la Foi.
Ainsi, elle s'attela à la conception et à la construction de la Cité des Lumières. Cette tâche presque titanesque fût l'embryon de l'amour des Lumières pour les sciences et la technologie. Et malgré les maigres ressources à leur disposition, ils construisirent la ville, pierre après pierre.
Celle qui était déjà appelée Archevêque convainquit le Tout-Puissant de les épauler dans cette tâche d'une manière fort simple. Le tout premier bâtiment à sortir de terre fût la Cathédrale. Elle plût tant à ce capricieux enfant qu'il accéda aux désirs d'Aloysus au-delà de ses plus folles espérances.
Ce miracle-ci, plus que toutes les preuves qu'elle avait déjà pu donner, fût à l'origine de l'admiration de tous. Cela termina d'asseoir son pouvoir auprès des futurs citoyens.

Il fallut de nombreuses années de plus pour que les Lumières atteignent le degré de civilisation qui est leur à présent. Et Aloysus donna d'elle-même plus que quiconque pour atteindre cet objectif. La maigre ville devint bien plus conséquente, l'archevêque y avait veillé, et puisqu'elle n'était pas femme à perdre le sens des réalités, elle avait tendrement, tout du moins en apparence, poussé à s'épanouir ceux qui révélaient des capacités scientifiques, l'algèbre, la géométrie, la philosophie, la théologie - bien évidement - et ingénierie. ceux qui savaient construire des machines furent subtilement encensés, ils permirent, années après année, d'offrir aux citoyens un confort qui ferait certainement pâlir d'envie les habitants des autres étendues.

Au jour d'aujourd'hui, toute l'attention de l'Archevêque va aux Rouages, des automates fort complexes, dont la technologie tend à se développer de plus en plus. Qu'ils soient d'agrément ou utilitaires, ils provoquent l'envie, et c'est un levier que la grande Manipulatrice ne sous-estime pas le moins du monde.

Les Deux ne sont pas des bâtisseurs, ils sont des destructeurs. Et forte de cette conviction, Alyss, l'Oracle, suivit la vision qui lui avait été offerte. Elle traversa la moitié du monde pour se rendre jusqu'à une petite ville qui prospérait fort bien, nichée qu'elle était sur sa presqu'île, à l'extrémité est du monde. Et le mieux pour évoquer l'érection du Temple d'Ehn'Kilath est de conter l'histoire du dirigeant de cette ville dont le nom est oublié depuis bien longtemps.

" Voilà bien longtemps, cela importe peu, une jeune femme entra en ville. Une ville de bord de mer qui se dressait sur une presqu'île. Elle était vêtue d'une simple robe grise, sans être vraiment banale, on ne pouvait la dire d'une grande beauté. Ses doux yeux d'ambre portaient un regard vide et mort sur le monde. Mais elle n'en éprouvait aucune difficulté à se mouvoir. Sur son front était apposé un simple point, noir, minuscule.

Le dirigeant de la ville était un jeune homme plein de fougue et d'allant, pétri de ses idéaux, désireux de faire de sa ville la plus heureuse des villes. Plusieurs jours après son arrivée, il eut vent de la présence de cette jeune femme étrange, et sur un coup de tête, décida de l'inviter à le rencontrer. Les rumeurs entendues avaient attisé se curiosité.
Elle n'était pas si jolie, et sa sérénité apparente dégageait on ne sait quoi d'inquiétant, le jeune homme le savait aussi bien que n'importe qui, le voyait, mais il ne put réprimer l'émotion violente qui le prit. Lui qui savait si bien parler à son peuple, il ne put que bafouiller cette fois : "[i]Da-Dame. Puis-je vous... un siège...[/i]"
Quand elle repartit, il ne se souvenait plus du moindre mot qui avait été dit, tant il avait été captivé par sa voix, la couleur de ses yeux, la sérénité de son visage. Nul doute pour lui, sa ville ne pouvait qu'être honorée d'une pareille visite.

Les habitants de la ville n'étaient pas de cet avis, depuis l'arrivée de cette femme, il semblait planer sur les lieux un voile sombre, qui se raffermissait de plus en plus. Mais il n'avaient pas choisi leur dirigeant pour lui tourner le dos si rapidement.
Plus les rendez-vous s'accumulaient entre les deux jeunes gens, et plus ils s'étiraient en longueur. Un jour, le jeune homme prît son courage à deux mains et déclara sa flamme.

Ah c'est un poème enlevé qu'il lui offrit, attendrissant de maladresse et d'exagération. Elle se montra émue, hésitante, mais céda bien vite à l'étreinte passionnée du jeune homme. Et s'il n'avait pas été si épris de son étrange belle, il aurait vu le point noir sur son front s'étirer un peu plus. Mais les hommes sont ainsi faits que lorsqu'une femme occupe leur cœur, rien ne parvient réellement à les en détourner.

Elle l'accaparait, lui faisant chaque jour oublier un peu plus ses devoirs envers sa ville. Et, insidieuse, sa voix s'emparait de son esprit pour éveiller ce que tout être humain porte en lui, soigneusement claquemuré. Avec doigté, elle attisait les flammes noires de la perversion, lui offrant à goûter à ses côtés toujours plus de violence et de souffrance.

Et cette ville, si heureuse qu'elle ait été, vît tomber sur elle l'obscurité. Ceux qui l'avaient pu, qui avaient eu la présence d'esprit de le faire, l'avaient quittée pour ne plus y revenir.

Les autres vivaient dans de sombres rumeurs, qui enflaient et décroissaient, abattant leur poigne sur leurs cœurs inquiets.

Le jeune chef ne sortait plus de chez lui. Ce qu'il se passait derrière les murs de sa maison, nul ne le savait vraiment. Mais les murmures étaient tremblants et angoissés à ce sujet.
Un beau jour, il ouvrît les yeux. Il vît à travers la fenêtre ce qu'était devenue la ville autrefois si chère à son cœur, et s'en savoir responsable broya son être dans un étau terrible.

Mais il n'était pas homme à se laisser abattre. Sa responsabilité, il la prenait. Et puisqu'il avait fauté, il réparerait cette faute. Il alla trouver cette femme qu'il aimait tant encore, mais cette passion tout comme le reste avait des relents contrefaits. Et quand il arriva sur elle, sa colère s'embrasa, il la gifla violemment.
Larmes aux yeux, elle se releva. Et le jeune homme sentit l'étau sur son cœur se resserrer plus encore. Comment avait-il pu la considérer comme fautive elle aussi? Elle qu'il aimait au-delà de tout? Non, une erreur de plus, qui s'ajoutait à son fardeau.
Il sentit son cœur se fendiller quand elle refusa son soutien avec raideur. Désespéré, il bût le murmure triste de sa voix comme l'homme qui sait qu'il ne boira plus jamais.

"[i]Ainsi tu t'aliènes la dernière personne qui soit de ton côté? Je venais vers toi pour t'avertir que les habitants se sont soulevés, et t'offrir mon aide pour les apaiser, mais tu as toi-même choisi de les affronter seul.[/i]"

Chaque mot fut un poignard de plus enfoncé dans son cœur déjà fort malmené. Mais il restait captivé par sa voix, incapable d'imaginer une seule seconde de la quitter, de la laisser partir. Non, plus que les habitants, plus que la ville, c'est elle qu'il voulait, à tout jamais.

Alors qu'elle se détournait pour le quitter, la conviction l'envahit. Il tomba à ses pieds, pris ses mains dans les siennes, et murmura avec une ferveur brûlante : "[i]Sache Alyss, que je t'appartiens. Depuis le premier jour où j'ai posé les yeux sur toi. Depuis les premiers mots qui ont envahi mon esprit. Je suis tiens. Et je te supplie, de tout mon cœur, de toute mon âme, de me garder à tes côtés, quel que soit le prix que tu me donneras à payer. Je t'en prie, Alyss, je ferai tout pour rester près de toi.[/i]"

Ah, que ne savait-il à quel point il était proche de la vérité en cet instant. S'il n'avait été si humblement agenouillé devant elle, il aurait vu le sourire maléfique qui un instant avait étiré ses lèvres. Mais quand elle se pencha pour le pousser à se relever, quand elle posa ses mains sur ses joues pour l'embrasser, il lui appartint, ainsi qu'il l'avait dit. Corps et âme. Quand leurs lèvres se rencontrèrent, une violente douleur le traversa, mais il l'accueillit aussi entièrement que s'il s'était agit de douceur. A n'importe quel prix, oui.

Alors, elle murmura, et s'il n'avait été si enivré de voir sa supplication entendue, il aurait remarqué ses accents lointains et dédoublés.

"[i]Je prends ce que tu m'offres de ta pleine et libre volonté. Tu m'appartiens, corps et âme. A compter de ce jour, nul ne saura comment tu te nommes, pas même toi. A compter de ce jour, nul ne saura quelle apparence tu as, car le Joker se montre au gré du hasard.
Mais ce n'est pas tout, non, tu as commis l'erreur de douter de moi.[/i]"

Lui acquiesça, empressé, il l'avait dit, il le pensait avec ferveur, tout, absolument tout, peu lui importaient un nom ou une apparence.

"[i]Ton âme, je te la laisse, mon très cher Joker, car peu me chaut de la posséder.[/i]"

Et ses lèvres vinrent effleurer son oreille en un murmure sépulcral.

"[i]Mais tout ce que tu auras en ton sein, en ton cœur, à partir de ce jour, sera perverti. Tordu. Détourné. Contrefait. Tu te repaitras de la douleur, de la souffrance et de la peur qui t'ont poussées à me frapper.[/i]"

Là, il se raidit, le voile couvrant ses yeux commençant à se déchirer. Le sourire de cette femme qu'il aimait tant s'étira. Elle se recula, lui refusant en ce jour et à jamais, son corps.

" [i]Et bien sûr, puisque tu m'appartiens à présent, ta ville est mienne.[/i]"

Et le voile finît de se déchirer. Il la vît telle qu'elle était, entourée d'une présence formidable, formidablement mauvaise, qui s'était amusée, qui s'était ennuyée, qui avait méprisé ses élans de jeune homme. Qui n'avait fait que le prendre en sa possession, le rendre plus aveugle encore qu'Alyss ne l'était. Et ce, non pour ce qu'il était, mais pour ce qu'il possédait.
Elle sourit de nouveau, ouvrant largement les portes du balcon pour se présenter à la foule massée devant les murs, ajouta simplement pour lui.

"[i]Oui, mon très cher Joker, toi ou un autre, je n'en avais cure.[/i]"

L'homme qui n'en était plus un, un corps inhumain, des pulsions qui dépassaient la simple perversité s'entrechoquant en son sein, une âme contrefaite, torturée à tout jamais, resta prostré sur le sol. Incapable d'envisager que tout ceci ne soit autre chose qu'un atroce cauchemar dont il se réveillerait dans les bras de sa douce aimée.
Aussi, quand elle lui dit de s'approcher, pour entendre ce qu'elle avait à dire, pour voir ce qu'elle allait faire, il le fît, comme dans un rêve terrible. Pauvre pantin désarticulé.

"[i]Voyez ce qu'est devenu votre chef tant aimé. Voyez ce à quoi il s'est abandonné. Voyez ce qu'il a choisi par amour pour moi, vous oubliant, vous, tous autant que vous êtes. Depuis le premier instant, je le méprise, pour sa faiblesse, pour son aveuglement. Et pourtant, il vous a donné à moi en s'offrant lui-même. Vous m'appartenez à présent. Et tout ce qui m'appartient appartient aux Deux. Contemplez votre Maître. Vous souffrirez pour lui, vous vivrez, vous mourrez, vous n'existez plus que pour satisfaire les Deux à présent.[/i]"

Lui qui avait cru ne plus pouvoir souffrir tant il avait subi en cette journée qui ne lui avait pourtant pas parue différente quand il s'était levé le matin même s'était lourdement trompé. Les mots s'inscrivirent en lui comme marqués au fer rouge. Et à la passion qui le dévorait pourtant toujours pour cette femme qui avait su le posséder si entièrement, une haine brûlante s'ajouta.
Et comme il avait été dit par l'Oracle, tout ce qui naissait en son sein était perverti. Cette haine se tordit, s'insinua dans son âme. Une âme si fragilisée qu'elle avait été réduite en haillons, en guenilles, en lambeaux malmenés. Cette haine qui aurait dû achever de le détruire au contraire le renforça. Et il sut, avec le peu de lucidité qui lui restait, qu'il devait la nourrir, l'entretenir, la dissimuler. Pour un jour, très lointain, pouvoir l'utiliser.

Il entendit ceux qui l'avaient aimé le conspuer, et ça ne fît que nourrir sa haine. Il vît la ville elle-même se tordre, noircir, alors que les yeux de l'Oracle s'ouvraient et posaient un regard d'or et de cristal sur elle.
Il entendit les cris, les hurlements, la peur, la douleur, s'élever jusqu'à lui.

La ville devint temple. Entourée de hautes murailles d'obsidienne, surplombée d'une tour aussi contrefaite et angoissante que le Maître des lieux. Les Deux étaient satisfaits. L'Oracle également."

Les Terres Intermédiaires n'ont pas une histoire, mais une multitude de contes et de rumeurs qu'il serait bien complexe de relater ici.

Avant de s'intéresser au peuple dont il avait tacitement reçu la charge, Aaron découvrit le palais du Sans-Visage, qui, étonnamment, existait déjà, tout comme s'il était là depuis toujours.
Il y passa de nombreuses années à apprendre et s'entraîner, tandis que les Médians à l'extérieur construisaient par eux-même.

Lorsqu'il émergea, ses pas le conduisirent en premier lieu jusqu'à Baie de l'Aube, qui ne portait pas encore ce nom. Sur la route, il rencontra des gens divers, qui prenaient le même chemin que lui, sans être réellement capables d'expliquer pourquoi. Et Ombre, car c'est ainsi qu'il se faisait appeler, leur suggéra subtilement, une fois cette baie découverte, de prendre exemple sur cette maison de pêcheur sur pilotis. D'en installer d'autres, et de créer une criée, les produits de la mer étaient rares, inconnus pour beaucoup, il y avait là l'occasion d'asseoir une certaine richesse, d'exploiter des ressources.
Il leur proposa des moyens simples de permettre à leurs constructions de l'emporter sur l'eau. Et quand il fut certain que ce projet était solide, il quitta la baie, pour le laisser évoluer seul, au gré des inspirations de chacun des fondateurs de la ville.

Il repartit vers le nord, répandant discrètement la rumeur de l'existence du palais du Sans-Visage, y envoyant parfois quelqu'un qui lui paraissait convenir aux désirs de son dieu. Plusieurs années lui furent nécessaires pour atteindre le nord de la Dévorante tant il fit de détours, mais quand il arriva, c'était fort de la certitude que le Sans-Visage aurait assez d'adeptes pour faire vivre son palais.

Et au nord, il découvrit un petit village en proie aux animaux sauvages, qui tentait tant bien que mal d'extraire le minerai de filons à ciel ouvert. Il fit parvenir un message à certaines personnes de sa connaissance, leur vanta les multiples possibilités qui les attendaient à ce qu'il avait lui-même nommé Aubaine.
Et certains vinrent. Des mercenaires qui se chargèrent de défendre le village et d'édifier des palissades. Des ouvriers qui construisirent maisons, ateliers et entrepôts. Des ingénieurs qui sauraient être assez inventifs pour profiter de la manne que leur offrait la mine. Et des artisans, qui auraient ainsi à disposition tout ce qui leur était nécessaire pour faire progresser leur talent.
Les commerçants viendraient plus tard, appelés par la rumeur et les promesses miroitantes d'Aubaine.

Et lui qui s'était fait appeler Silence se volatilisa pour laisser, une fois encore, les idées progresser d'elles-mêmes.

Et ainsi, il parcourut et parcourt encore les Terres Intermédiaires, pour satisfaire ses propres desseins et ceux de son dieu.