Il faut céder à Ses caprices. [Laurentius Lamberski]

[i]Sur la Grand'Place, personne ne l'a encore vraiment remarqué, mais cela ne saurait tarder. Au milieu des étals, un petit garçon se faufile. Pas un de ces gamins des rues qui attend l'occasion de chaparder, pas du tout. Il est vêtu à la toute dernière mode, un manteau bleu roi à rabats d'or, un pantalon de peau plus clair, des chaussures noires rutilantes et une paire de guêtres de la même couleur que sa veste mi-longue. Une élégance presque déplacée sur un petit garçon qui ne semble pas avoir plus de six ans.

Et il est soigné ce petit garçon, une tignasse de boucles d'or qui luisent, si propres, si brossées, qu'elles auraient l'air d'émettre leur propre lumière moirée, qui tombe sur un visage d'ange, aux grands yeux bleus, tout prêts à se remplir de larmes ou à s'illuminer de bonheur. Il marche le nez en l'air, se hissant sur la pointe des pieds pour admirer la camelote et les marchandises exposées. Étrangement, dans cette foule, il est seul, alors que son attitude est toute celle d'un enfant accompagné de ses parents, personne ne le bouscule, pour tout dire, les passants semblent même s'écarter légèrement sur son passage, sans même s'en rendre compte.

Quelques femmes peut-être, baissent les yeux sur lui, et ce sourire qu'il leur fait est l'image même de la tendre innocence de l'enfance, si lumineux qu'on lui donnerait le Tout-Puissant sans confession. A tout le moins, une femme lui tend un gâteau tout chaud sorti du four avec un regard attendri et lui tapote gentiment la tête. Mignon petit bonhomme habillé comme un homme miniature.

L'enfant continue à se promener, il y a quelqu'un qu'il veut voir, il le croisera ici, il le sait, il l'a décidé ainsi. Et nul doute qu'il saura arracher à son futur messager faveurs et caresses, un cadeau même, avant de l'envoyer à sa tâche.[/i]

Le soleil brille paresseusement au dessus de la Grand'Place lorsque Laurentius décide d'aller faire ses emplettes habituelles. Il emmène avec lui Téméraire, qui porte tout ce qu'il a à vendre. Ses achats sont rapides, et résident surtout en une confortable paire de bottes de marche et d'une chemise bleue qui est, comme lui assure le vendeur à maintes reprises, à la dernière mode.

Ceux qu'il croise pensent qu'il fait simplement son marché, mais un œil averti vois aisément qu'il surveille aussi beaucoup ses arrières. Ce n'est pas la première fois qu'il a une prime sur la tête, mais à chaque fois, cela le rend nerveux.

Après ses achats, il passe voir Derram, qui se trouve être le revendeur de matière première le moins regardant sur les origines de ses marchandises, mais aussi le plus apprécié de la ville. Après avoir négocié un bon prix, Laurentius s'en sort avec quatre pièce la livre de métal. Il déleste Téméraire de son chargement, et vend donc un plastron d'armure ainsi que deux dagues et une épée. L'homme a prit pour habitude de toujours prendre le métal des cadavres qu'il laisse derrière lui, même si là il ne s'agit que des possessions de deux bandits de grand chemin rencontré la veille sur la route.

Une fois tout cela fini, il descend à son auberge, et laisse Téméraire dans l'écurie. Laurentius marche un moment, tournant et retournant pour s'assurer qu'il n'est pas suivi, et finalement s'assied à une table de la Grand'Place. Il tourne les yeux vers la serveuse qui vient vers lui.

"Que puis-je vous servir?"

Elle minaude un instant en voyant l'impression de voyage émanant de l'homme, puis sourit, attendant la réponse.

"Le plat du jour, et un vin doux, avec un fond de liqueur de fraise, merci." répond Laurentius avant de se détourner d'elle, regardant la place.

[i]Ah ! Ca y est, enfin il était là. Il était temps même, a-t-il eu envie de dire. En s'approchant, il l'entend parler de liqueur de fraise. Humm, de la fraise, oui tiens, il avait envie de fraise tout à coup, et de manger aussi. Humm, un bon repas, de la soupe peut-être? Non, Aloysus lui faisait toujours de la soupe et le forçait à en boire. Beuark, elle était trop mauvaise pour ça. Non, il avait envie de pain, et de fromage, oh ! Une tartine de fromage, voilà ce dont il avait envie.

Il s'assoit, à la même table que, hum, qui ça déjà? Il le scrute par en-dessous. Ah ! Laurentius, voilà, Laurentius, il s'en rappelle maintenant. Il croise les bras sur la table, la chaise est trop grande pour lui, la table est trop haute, mais, bon, c'est bien le prix à payer d'avoir décidé d'être un enfant, non? Une des serveuse vient, dépose un plateau, deux tartines de fromage et un verre de lait à la fraise.

[b]"Exactement ce que je voulais, merci Madame."[/b]

Et il se fend d'un sourire d'ange en direction de la jeune femme, qui semble avoir du mal à se retenir de lui ébouriffer les cheveux. Une bouchée dans la tartine, qu'il mâche presque religieusement avant de l'avaler, puis une deuxième, et il consent enfin à adresser la parole à celui qu'il veut voir.
[b]
"Laurentius."[/b] Il mord une fois de plus dans le pain, mais n'attend pas d'avoir avalé, ni mâché, ce coup-ci.[b] "Jv'ai un Mfessage à transfmettre à Aloyvsus."[/b] Il avale enfin cette bouchée, la fait passer avec une gorgée de lait. [b]"Et c'est toi qui doit lui donner, elle va avoir besoin de ton aide, tu comprends?"[/b]

Son petit visage prend une mine soucieuse, la question était importante, les humains ne comprenaient rien des fois, et il n'avait pas envie de devoir encore revenir pour encore expliquer.[/i]

Laurentius ne semble pas tout comprendre, comme si la scène s'est déroulée sans qu'il y fasse réellement attention, mais les faits sont là. Un garçonnet, bien habillé, donc claiement pas un garçon des rues, est assis face à lui, avec un semblant de repas devant lui.

L'homme ne pipe mot, oscillant entre l'incompréhension et l'amusement même qu'il lui fait, quand le petit ouvre la bouche. Il la referme ensuite sur la tartine, et Laurence doit attendre, ce qu'il fait d'ailleurs en détaillant de haut en bas la tête blonde qu'il a devant lui. Une deuxième bouchée vient compléter la seconde, et Laurentius conclu que ce petit garçon est soit gentiement dérangé, soit c'est lui qui commence à perdre la tête.

En temps normal, il aurait été sur ses gardes, auraient surveillé tout et n'importe quoi, mais pas aujourd'hui, pas maintenant. Au fond de lui, la petite voix lui dit qu'il n'y à pas vraiment de danger, car sinon il ne serait pas là à ne rien faire. Ce qui est une logique indéniable.

Finalement, l'enfant accepte d'ouvrir la bouche pour parler, et c'est son nom que Laurentius entend de la bouche du garçonnet. Là encore, il aurait dut se méfier, mais rien n'y fait. Enfin, presque rien, car inconsciemment, il se tend sur sa chaise, comme près à bondir loin au cas où.

Puis l'enfant parle encore, postillonnant joyeusement des morceaux humides de pains et de fromages. C'est seulement alors que Laurence semble sortir de ce rêve, et un air sérieux vient s'imprimer sur son visage. Il a entendu le nom d'Aloysus, malgré le massacre engendrer par le trop-plein de mot et de pain dans la bouche du garçonnet.

Et finalement, alors que l'enfant finit de parler, le jour se fait dans son esprit. Cet enfant connait son nom, mais surtout sait qu'il connait personnellement Aloysus, qu'il travaille pour lui, et pour finir que ce blondinet à quelque chose à donner à sa Grandeur.La mine soudain soucieuse du gamin sans-nom, et tout le reste fini par pousser Laurence, sur ses garde, à répondre à voix basse :

"Je t'écoute et je transmettrais, si je le peux, tes mots à sa Grandeur."

[i][b]Ah non, mais non...[/b]

Il engloutit le dernier morceau de la première tartine. C'est tellement bon la nourriture des humains. Parfois, il en viendrait presque à regretter d'être d'origine divine. Presque. Il y avait tout de même quelques avantages à sa condition dont il ne se serait passé pour rien au monde. Mais quand même, une gorgée de lait-fraise, qu'est-ce que c'est bon.

[b]Y'a pas de si tu peux de si tu chais pas quoi ou chais pas quoi. Il FAUT que tu lui transmettes le message. Et que tu t'en occupes tout de suite après de faire ce qu'il faut. Sinon la Divine va pas être contente. Et quand elle est pas contente bah...[/b]

Bah elle détruisait le monde quand elle était pas contente la Divine. Oh le Tout-Puissant n'est pas si attaché au monde qu'il aurait vraiment regretté de le voir disparaitre. Le lait-fraise peut-être. Et Aloysus aussi. Mais sinon, le reste, il s'en fiche comme de son premier bavoir.
La deuxième tartine est attrapée, et alors qu'il ouvre grand la bouche pour s'en faire une grosse bouchée, il jette un coup d'oeil inquisiteur à son interlocuteur.
La tartine est reposée.
[b]
T'as compris?[/b]

Du ton et de l'air de celui qui en doute très, mais vraiment très sérieusement. Ce qui doit faire un drôle d'effet vu de l'extérieur, il a tout les traits du gamin beaucoup trop gâté qui se hausse au même niveau que les grands, voire plus haut dans certains cas.

Autour d'eux, personne ne prêtait attention à leur conversation, à croire que cela ne surprenait personne de voir un homme à l'aspect rugueux discuter avec un petit garçon si policé. Ou plus vraisemblablement, le Tout-Puissant avait simplement intimé à ses fidèles de ne pas regarder et de ne pas écouter. C'est si simple la vie d'enfant-dieu.[/i]

Le calme, voir l'intéret de Laurence pour le garçonnet intriguant commence à faire place à un sentiment d'exaspération croissant. Certe, il est resté poli, mais son ton condescendant et sa mine laisse à penser que le blondinet commence à prendre l'homme pour un imbécile, et cela ne lui plait guère.

"Ecoute, au cas où tu ne le sais pas, on ne peux pas rencontrer Sa Grandeur en claquant des doigts. Donc si tu veux que je puisse lui donner le message, il faut que tu me dise de quoi il s'agit, et me donner aussi ton nom. Sans tout ça, je ne peux ni ne vais déranger Sa Grandeur."

La bonne humeur de Laurence le fuit de plus belle lorsqu'il entend méler les forces divines à tout cela. Il ne manque plus que... Les menaces qui ont evidemment suivis.

"Tu crains qui tu veux, mais moi, je n'ai peur que d'une femme en ce monde..."

Il laisse planer ses mots, et se remet à fixer le garçonnet, attendant sa réponse. Il pense déjà à aller voir ailleur s'il y est, et même s'il doit avouer que l'attitude de la tête blonde est intriguante, il n'en reste pas moins un enfant. En plus il s'agit d'un enfant qui en sais bien trop sur Laurentius qu'il ne le doit.

Il prend une grande respiration, comme pour se calmer, et s'impose le calme. Trop de chose sont dans la balance pour qu'il s'en aille si rapidement. Au besoin, il tuera l'enfant, mais il est hors de question qu'il dévoile ses secrets.

[i]Un "houm" bruyant, le petit Dieu s'empourpre soudainement. Sa tartine est balancée dans la direction de son interlocuteur.

[b]De quel droit tu me parles comme ça?[/b]

Sa voix monte d'un ton, la colère l'envahit en un clin d'oeil.

[b]Je vais le dire à Aloysus ![/b]

Il piaille, il trépigne sur sa chaise, le gamin est passé instantanément d'une certaine classe au caprice le plus vil dont sont capables les enfants.

[b]Je vais le dire à Aloysus et elle va te punir, sale méchant petit homme ![/b]

Sa voix s'enfle, prenant un écho inquiétant, oppressant même, libérant une énergie qui cloue Laurentius sur place sans lui laisser la moindre possibilité de bouger. Il ne garde que le contrôle de ses paroles et le droit de respirer, rien de plus, et autour, personne ne réagit. Alors que ce genre de hurlements devrait immanquablement attirer l'attention.
[b]
Je vais lui dire, je vais lui dire et elle va te punir ! Méchant ! Tu dois m'obéir ! Méchant ![/b]

Debout sur sa chaise, le visage congestionné, il hurle de tous ses petits poumons, à croire que sa voix devrait porter au moins jusqu'à l'autre bout du monde.
[b]
MÉCHANT ! SALE PETIT HOMME ![/b]

Le verre de lait se brise soudainement, éclate en une myriade de morceaux et répand son contenu sur la table.

[b]Regarde ! A cause de toi ![/b][/i]

Et voilà que le gamin s'énerve. Laurentius esquive le premier jet de tartine, et voit l'enfant devenir la chose énervante et gâtée qui se met a lui crier dessus. Il est près à se lever, quand d'un coup il ressent toute la paralysie de son corps.

Quelque chose ne va pas. Laurence tente de faire quoi que ce soit, mais son corps ne lui répond plus. en une fraction de seconde, il se maudit. Il aurait dut être plus vigilent dès le début, mais il a baisser sa garde car son adversaire n'est qu'un enfant. Il n'aurait pas dut.

Comment ce gamin a-t-il put l'empoisonner? Le venin d'une tarentula exortia, un poison de contact très puissant et trè rare... Mais ce gosse n'a pas toucher Laurentius, alors comment? L'a-t-il placé sur la chaise? Non, comment aurait-il sut où il allait s'asseoir? Par l'air alors? Non, le mince filet de vent qui parcours la terrasse n'est pas dans sa direction.

Un complice et une fléchette. C'est la solution la plus probable. Et le garçon n'a surement pas agi seul. La prochaine fois, il suivra son instinct, et décampera puis tuera le premier à pouvoir le menacer.

Et puis, personne ne fait attention à ce qui se déroule, sous leurs yeux. Laurentius sait qu'il se trouve à la Cité des Lumières, mais tout de même... L'enfant aurait-il une sorte de pouvoir? Une relique, évidemment!

Il doit maintenant gagner du temps, attendre que le poison passe. Quelque chose d'aussi foudroyant ne peut pas durer longtemps... Enfin, il l'espère tout du moins. Il essaye de parler, et s'étonne d'entendre sa propre voix sortir de sa bouche :

"Si tu peux aller te plaindre à sa Grandeur de moi, va donc le faire! Et profites en pour lui transmettre le message que tu voulais que je lui donne, et laisse moi tranquille. Tu fera d'une pierre deux coups comme ça."

Où veut-il en venir, il n'en sait rien, mais tant qu'il peut respirer, il y gagne. Il va pour rajouter quelque chose, quand soudain le verre éclate en morceaux. Si Laurence n'était pas paralyser, il aurait sauter à terre, laissant ses réflexes parler pour lui. Un verre qui éclate sans qu'on y touche ne pouvait dire qu'une chose : une balle.