Lorsque le soleil rougeoie ... [Laurentius Lamberski]

Laurentius laissa faire la jeune femme qui vint lui murmurer à l'oreille. Le souffle de la jeune femme, sa proximité et son doux parfum lui tirèrent un frissonnement de plaisir. Ses paroles étaient d'autant plus cher à son oreille qu'il commençait à imaginer quel avait été le calvaire de cette fille avant qu'il ne la recueille sous son toit.

Puis elle se pencha, et tout fut bouleversé, elle l'embrassa, timidement, comme le vent vous frôle au réveil d'une nuit de printemps. Il vient, vous effleurant, plein de promesse à venir, puis s'enfuit, aussi fugace qu'un rayon de soleil.

Un frisson de plaisir le parcourut de nouveau, mais aussi, le désir se réveilla en lui. Ce baiser, aussi éphémère qu'il fut, était lui aussi plein de promesse. Mais il ne voulut pas aller trop vite. Il préférait attendre, que son désir grandisse encore, que celui de la jeune femme se développe, et qu'un jour prochain, ils se donne complétement l'un à l'autre, transi par ces sentiments réfrénés.

Il se passa le doigt sur la bouche, puis vint poser sa main sur la joue de Miry. Puis, comme à regret, il se leva. Oh, qu'il voulait la sentir contre lui, ressentir encore ses lèvres contre les siennes, mais il ne le fallait pas. Pas à ce moment-là. Il sourit donc tendrement, puis vida sa tasse de thé, et dit :

"Merci pour ce cadeau ma belle. Mais laissons nous du temps, ce n'est pas ce qui manque maintenant que je suis rentré, d'accord?"

Sans plus attendre, il alla posé sa tasse dans l'évier. Il ne la repoussait pas, bien au contraire, il mourrait pour elle, mais il ne voulait en aucun cas la brusquer, la forcer, ou la serrer à étouffer. L'oiseau qu'elle était était fragile et pur, innocent et inexpérimenté. Le temps ne pouvait que les aider à ne pas se consumer dans la passion d'une nuit, mais au contraire à s'aimer bien plus longtemps, et plus intensément quand le moment serait venu.

"Nous avons plein de courses à faire, il te faut un certain équipement, et je dois t'offrir un chapeau. Nous en reparlerons ce soir" rajouta-t-il avec le sourire que seul un futur amant pouvait avoir : plein de douceur et de désir.

Elle aurait pu croire qu'il la repoussait, alors qu'elle venait de s'ouvrir à lui. Elle aurait pu croire qu'elle ne lui plaisait pas tant que ça. Elle aurait pu se vexer qu'il refuse ses avances. Mais Miryäna n'était pas comme les autres femmes de son âge. Tout d'abord, il y avait l'innocence à peine entachée qui la caractérisait. Elle n'aurait jamais pensé à mal, ni testé son pouvoir de séduction sur Laurence. Elle ignorait même qu'elle en avait un. Ensuite, il y avait l'empathie. Miry avait senti le dilemme intérieur du jeune homme, et la vague de désir qui l'avait pris avait été partagée via cette perception affutée. Elle sentait ses remords, et son envie d'aller plus loin. Ensuite, il lui restait l'inexpérience. Ce qui n'était pas à négliger. Elle avait passé son temps à vivre les émotions au crochets des autres, volontairement ou non, et maintenant, elle s'ouvrait au monde et découvrait par elle-même quelque chose qu'elle n'avait fait qu'observer.

Aussi, quand Laurence tourna son regard vers elle, elle comprit. Elle savait que ce qu'elle venait de faire, sans même s'en rendre compte tout à fait, n'avait pas laissé son compagnon indifférent. Elle avait même ressenti toute la profondeur de la tendresse qu'il éprouvait pour elle, de par ce contrôle qu'il exerçait sur lui-même pour ne pas aller trop vite. Alors qu'il la regardait dans les yeux, sa main posée sur la joue de la jeune femme, elle lui fit un sourire plein de compassion.

- Désolée, fit-elle à voix basse, alors qu'il engloutissait son thé.

Elle était gênée de lui avoir causé des ennuis de cette façon, mais il n'y avait aucun regret dans ce mot d'excuse. Prenant sa tasse dans ses mains encore trop délicates, elle but son thé, tout en observant Laurence s'affairer. Elle pouvait à présent laisser s'exprimer quelque chose qu'elle avait fait taire pendant un certain temps ; et elle avait la chance que Laurence partage ce sentiment. Aussi il faudrait qu'elle fasse attention à ne pas trop le mettre dans l'embarras comme elle venait de faire.

Une fois le thé fini, elle répondit au sourire plein de promesse que Laurentius lui adressait par un regard pétillant de curiosité et un sourire plein de douceur.

- Ce soir, oui.

Puis elle commença à ranger la table avec la rapidité et l'efficacité que confère l'habitude. S'arrêtant devant l'évier, elle lui demanda soudain :

- Nous partons tout de suite ? Ou ai-je le temps de finir de ranger ?

Il fallait encore faire la vaisselle, et le lit. Mais cela pourrait attendre si le besoin s'en ressentait. Chassez le naturel, il revient au galop. Miryäna avait toujours exécuté ces tâches pour Laurence, en remerciement de ce qu'il faisait pour elle. Il lui faudrait un peu de temps pour changer ces habitudes, si Laurence le voulait bien.

Lorsqu'elle murmura un mot d'excuse, il lui mit un doigt sur les lèvres, et son regard enflammé de la passion qui couvait en lui était assez expressif sans qu'il eut besoin de répondre.

Puis, il s'occupa de la tasse de thé, et fut bientôt rejoint par la jeune femme qui finissait de débarrasser la table. Il dénia du chef, et sourit, en disant :

"Non, il faut y aller maintenant. Plus tôt on y sera, plus on sera tranquilles dans la boutique. Et il faut que je parle à la forgeronne, donc allons-y tout de suite."

Il se détourna, et lui tapa doucement sur les fesses d'une main baladeuse, avant de filer vers l'armurerie. Puis il cria à travers la maison :

"Tiens, tu peux me trouver une de mes capes bleue nuit s'il te plait?"

Pendant ce temps là, il commença à fixer ses armes. D'abord, les deux bracelets de forces sous les manches de sa chemise, qu'il arma à moitié, mettant le carreau en place sans tendre la corde. Puis les fourreaux vides de ses deux paires de lames parallèles, et enfin les deux armes. Il rajoute une dague dans chacune de ses bottes, et il est prêt. Dans la ville, son fusil à long canon ne sert à rien par rapport à ses deux arbalètes.

Enfin, il ressortit de l'armurerie, et alla vers l'entrée de la maison en sifflotant. La vie était plutôt belle pour lui, même si un sentiment insatisfait le tiraillait : le désir de posséder Miry. Mais tout cela viendrait, en temps et en heure. Pour le moment il était plus important qu'elle apprenne à se défendre vraiment.

Lorsqu'il cria à travers la maison, la jeune femme était encore dans la cuisine, interloquée. Le contact de la main de Laurence à cet endroit de son corps avait déclenché une sensation qu'elle commençait à peine à connaître. Secouant la tête pour se remettre les idées en place, elle s'avança jusqu'à la porte et lui répondit en criant aussi :

- Oui ! Je te la laisse dans l'entrée !

Puis elle alla chercher sa cape, qui était restée dans son armoire. Tout en accrochant les liens qui retiendraient la cape, elle se mit à songer à ces mystérieuses emplettes. Le chapeau, ils en avaient déjà parlé. C'était pour cacher les racines de leurs cheveux lorsqu'ils commenceraient à pousser et révéler leur véritable couleur. Il lui faudrait sûrement des vêtements adaptés au voyage ; elle ne possédait que des tenues de ville. Élégantes mais très peu pratiques, Laurence avait pourtant toujours préféré la voir joliment habillée. Tout en allant chercher la cape que Laurence lui avait demandée, elle se demanda ce qu'il fallait discuter avec la forgeronne. Mais elle chassa vite cette idée de son esprit, car il était évident qu'elle le saurait bientôt.

Elle éteignit les chandelles et les feux sur son passage, et s'assit finalement sur une chaise dans l'entrée, la cape de Laurence dans ses bras. Lorsqu'il arriva, elle arborait déjà son air neutre et distant habituel. Celui qu'elle prenait toujours en présence d'autres personnes que son père ou Laurentius. Celui qui lui permettait de résister aux avalanches de sentiments qui se déclenchaient toujours lorsqu'elle s'aventurait en ville. La seule protection qu'elle pouvait s'offrir contre son pouvoir.
Pourtant, lorsque ses yeux se posèrent sur le jeune homme, la transformation fut immédiate. Le sourire qu'elle lui adressa la fit rayonner de l'intérieur. Quelques secondes plus tard, elle était redevenue une froide et belle statue de marbre.

Lorsqu'il arriva, Laurence la vit lui jeter un regard froid, qui s'alluma aussitôt qu'elle le vit. Il commençait à comprendre pourquoi elle avait été une enfant aussi froide et distante avec tout le monde, et particulièrement lorsqu'ils sortaient en ville. Avec son don, ce qu'elle devait ressentir au dehors ne devait pas être joyeux tout le temps, loin de là même. Il se surprit à la plaindre, pensant qu'au final, ce don était autant une bénédiction qu'une malédiction.

Elle portait une cape elle aussi, et il la reconnu tout de suite, un sourire naissant sur ses traits. Il la lui avait offert quelques mois auparavant, un peu avant son dernier voyage. Il avait pour habitude de lui faire ce genre de cadeau avant ses départs, alors même qu'il était déjà très généreux avec elle : Il lui donnait un salaire, certes maigre, mais c'était plus que ce que les autre maitre donnaient à leurs apprenti. En plus, il la logeait, et la nourrissait, alors qu'il n'y était pas obligé. Mais pour lui, l'argent n'était rien. Il vivait modestement dans une maison assez grande pour deux, mais pas beaucoup plus, alors que son travail lui rapportait bien plus.

Finalement, il haussa les épaules, et sourit, disant d'un air malicieux et amusé :

"Et bien, je vais faire les courses avec la plus belle fille de la ville. Prépare toi à sentir de la jalousie, mais moi ça me va!"

Puis il passa sa cape autour de ses épaules, remerciant Miry pour son aide. Il lui ouvrir la porte, et la laissa passer devant lui, avant de sortir à son tour. Il ferma la porte à clef derrière lui, puis prit le bras de sa compagne. Ils se dirigèrent à un pas tranquille vers le quartier marchand. Laurentius ne pouvait s'empêcher de surveiller les environs sur son passage, mais il faisait montre d'une discrétion sans faille dans cette tache.

Il faisait attention à tout, sans pour autant perdre de temps sur les détails sans importance. Il se fiait à son instinct plus qu'à son attention propre, d'autant plus que mine de rien, la présence de Miry à ses côtés déstabilisait un peu le jeune homme.

"Et bien, je vais faire les courses avec la plus belle fille de la ville. Prépare toi à sentir de la jalousie, mais moi ça me va!"

Elle esquissa un sourire qui resta cependant sans chaleur à cette phrase. Mais elle prit volontiers le bras de Laurence. Vêtue dans la cape qu'il lui avait offerte, elle prit son courage à deux mains et passa le pas de la porte.
Elle aimait beaucoup ce cadeau qui lui avait été fait avant son dernier départ. La cape avait une couleur bleue clair, avec des broderies plus foncées, formant des arabesques discrètes sur le bas du vêtement. De plus, tissée avec de la laine, elle était bien chaude et coupait facilement le vent froid.

Murée dans sa protection, elle ne put cependant pas éviter de voir que Laurence était de nouveau sur ses gardes. Elle se contenta de regarder devant elle le plus possible ; déjà des regards intrigués se tournaient vers eux. Qui donc était ce couple qu'ils n'avaient encore jamais vu semblait-il ?

Laurentius et Miryäna descendirent la rue qui menait au quartier commerçant. Alors qu'ils passaient devant un parc, elle demanda :

- Par quoi commençons-nous ? La forge ?

Avec un air aimable mais toujours aussi figé, elle attendit sa réponse.

Laurentius se tourna vers elle lorsqu'elle lui parla, et sourit.

"Oui, la forge. Tu va voir, tu vas adorer Rubis!"

Elle ne la connaissait surement pas, car bien qu'elle était peut-être déjà aller dans les forges de la ville, Rubis avait la particularité de ne pas avoir pignon sur rue. Elle officiait dans une arrière cour ouverte uniquement à ceux qui savait qui et où chercher. Laurentius était un de ces rare privilégié.

Lorsqu'il passa le petit portail, il tint la porte à sa compagne, puis au fur et à mesure qu'ils avançait vers l'arrière cour, son attention décrut. Il savait qu'il ne craignait rien dans cette maison. Il tapa deux fois à une porte, puis sans attendre, fit entrer Miry et la suivit.

Ils venaient de pénétrer dans un salon modeste sans être pauvre. un garçon d'environ quatorze ans arriva en courant, puis s'arrêta devant eux, et fit une révérence, avant de dire :

"Bonjour, maitresse Rubis va vous recevoir dans quelques instant. Puis-je vous demander qui veux la voir?"

Lorsque l'homme donna son nom, il hocha derechef, et fila vers une arrière salle. Laurentius se pencha à l'oreille de Miry, et lui murmura :

"Par contre, je te préviens, elle est un peu spéciale... Mais pas méchante. Viens, allons nous asseoir."

Alors que lui-même allait prendre place dans un des fauteuils, une femme entra dans la pièce. Elle n'était pas bien grande, mais solidement charpentée. Elle portait un tablier de forgeron d'où dépassait quelques outils. Une cicatrice parcourait sa joue gauche mais elle était encore jolie malgré ses quarante ans révolus. Ses cheveux étaient roux, et son sourire franc. Elle ne s'arrêta pas devant un des fauteuils, mais fonça sur Laurentius, et le serra dans ses bras, alors que l'homme avait une tête de plus qu'elle.

"Laurence, ça fait des lustres que je ne t'ai pas vu! Par le Tout-Puissant, je suis bien contente de te voir en vie et en pleine forme, dit-elle d'une voix amusée. Elle jeta un coup d'œil à Miry, et rajouta : et bien entouré. Tu me présentes?"

Le jeune homme l'avait serré dans ses bras, comme une amie de longue date. Il était heureux de la revoir, car comme elle l'avait dit, cela faisait presque six mois qu'il l'avait vu pour la dernière fois. Il sourit en se reculant un peu, puis fit les présentations.

"Miryäna, je te présentes Rubis. Rubis, Miryäna, ma protégée, mon apprentie, et bien plus encore!
- Et vous...? Enfin tu vois...? Non, bon, oublis la question! Enchantée de te rencontrer Miryäna. Laurence m'a pas mal parlé de toi."

La forgeronne essuya sa main sur son tablier, puis la tendit vers la jeune femme.

La jeune femme se releva lorsque la forgeronne entra dans le petit salon. Elle venait à peine de s'assoir, et avait commencé à observer autour d'elle avec attention. Son visage avait perdu cet immobilisme glacé qu'elle arborait un peu plus tôt. Elle semblait plus détendue, plus naturelle.

Alors que Laurence semblait retrouver une vieille amie, la jeune femme eut le temps de jauger la jolie rousse énergique. La femme avait un coeur profondément bon, comme celui de Laurentius. Et une bonne dose de détermination, en plus de la force de caractère qu'elle semblait déjà posséder. Un sourire vint naître sur les lèvres de Miry, et elle se détendit un peu plus encore.

Elle s'amusa de voir que la forgeronne semblait bien connaître Laurence. Et se prit même à sourire aux allusions à demi-dissimulées sur ce qu'ils auraient ou non fait. Miry devinait de quoi elle parlait. Elle jeta un regard à Laurence pour confirmer ce qu'elle sentait déjà : elle ne risquait rien ici. Alors elle finit par se détendre totalement et sourit à l'artisanne.

Lorsque la main se tendit vers elle, elle la prit sans hésitation, et dit en souriant :

- Enchantée, Rubis. J'ai beaucoup entendu vanter vos talents, sans toutefois savoir que c'était vous.

La voix n'était pas spécialement assurée, mais douce et chantante. Miry était calme et cela se sentait.

- Et en quels termes a-t-il donc parlé de moi ?

Elle jeta un regard en coin à Laurence.

La forgeronne lâcha la main de Miry, et éclata de rire. Un rire franc et massif, bref mais intense.

"Tu peux me tutoyer tu sais! Quant à ce qu'il dit de toi, ce n'est pas à moi de te le répéter."

Elle lui fit un clin d'œil, puis se tourna vers Laurence, et lui dit :

"Alors, dit-moi ce qui t'amène ici. Je suppose que ce n'est pas pour boire ce jus de chaussette que Gérard ose appeler thé, ni simplement pour passer me dire bonjour, cela ne t'arrive jamais, alors je t'écoutes."

Laurentius sourit à Miry, puis à Rubis, et hocha la tête.

"Toujours aussi directe à ce que je vois. Bon, alors je cherche tout d'abord une arme féminine faite pour la défense.
- Féminine? Qu'est-ce que ça veut dire ça? L'espadon, ça peut aussi être féminin, et ne dit pas le contraire, ou il t'en cuira!
- Ah, attention à ce que tu dit, répondit le jeune homme, un sourire grandissant sur son visage. Rappelles-toi comment cela s'est terminé la dernière fois qu'on s'est battu.
- Pff, je me suis bien entrainée depuis, fit remarquer Rubis, elle aussi souriante.
- Parce-que moi, je me suis tourné les pouces peut-être?"

Laurence mit ses poings sur ses hanches, alors que la forgeronne le toisait de bas en haut, comme le jaugeant. Finalement, elle pouffa, et répondit :

"Bon, d'accord, tu as l'air encore plus habile qu'avant... Et puis, je tiens à mon pantalon. Elle se tourne vers Miry, et rajoute : Il t'a raconté notre dernier combat? Non? Ah bah attend, je vais le faire."

Elle s'assit au fond de son fauteuil, son regard pétillant de malice, et elle commence :

"Alors tu vois, cela faisait dix bonne minutes qu'on se battait, lui avec ses deux lames parallèles, et moi avec mon espadon. Aucun de nous deux ne prenait l'avantage, à chaque fois que lui feintait, je reculais, et quand c'était moi qui tentait une ouverture, il me la bloquait ou reculait d'heureux chef. Alors au bout d'un moment, il s'arrête, me regarde, fait une révérence, et me lance : Cette passe sera la dernière, pour toi ou pour moi, qu'il me fait. Et alors que je me dis que ce n'est qu'un vieux paon vaniteux, il commence à faire deux arabesques dans les airs. Du coup, moi, j'en profite, et je tente la feinte de Ghern. Tu sais, taille haute, basse, haute, en V."

Elle sourit à Miry, et reprend, voyant qu'elle s'égarait.

"Bon, donc je tente ma feinte, et lui, il saute en avant, allant au contact. J'abats ma lame, mais d'une de ses armes, il la bloque entre nous, et on sait l'un comme l'autre que j'ai perdu. Seulement alors, il libère mon épée, passe la lame ainsi libéré dans mon corsage, l'autre dans mon ceinturon, et entame sa volte. Non mais t'imagine, ce petit fils de... Enfin, Laurence prend le temps de placer une volte artistique, si c'est pas se moquer du monde. Et au milieu de la volte, il tire sur ses lames, découpant mon plastron de cuir et mon ceinturon, puis il se replace en garde, comme si de rien était. Et moi, évidemment, je me retrouve en chausse, poitrine à l'air. Rah, le petit fumier, rien qu'a y repenser..."

Elle avait l'air énervé, mais en fait, il n'en était rien. Elle était fier de Laurence, et amusé en se souvenant de tout cela. D'ailleurs, elle rajouta :

"D'ailleurs, pour le punir, je l'ai obligé à rester chez moi jusqu'au lendemain, et il ne savait plus vraiment où se mettre alors que je restais seins nus devant lui! Mais, tu sais, le connaissant, il avait répété ce mouvement des semaines durant, pour être sur de ne pas me blesser. Je me trompes? demanda-t-elle en se tournant vers le jeune homme."

Il haussa les épaules, mais son sourire ravi en disait assez long comme cela.

"Et si on en revenait à nos affaires?"

Il n'aimait pas être sur le devant de la scène, même si c'était vrai qu'il avait été assez fier de faire sauter son corsage et sa ceinture à Rubis, sans ne serait-ce que la frôler de ses armes.

Rubis se racla la gorge, avec un sourire entendu pour Miry, puis hocha la tête.

"Bon, d'accord, donc une arme féminine, de défense. Je suppose que c'est pour Miryäna, donc plutôt pour de la parade que du blocage de front. Quelque chose à une main, pour que cela soit féminin, et potentiellement utilisable en duo, c'est ça? Elle continua, en voyant l'acquiescement de Laurence. Tu avais déjà une idée en venant, je me trompe?
- Et bien, je pensais à un saï.
- Un saï? Je te reconnais bien là, toi et ton goût de l'exotisme! Mais c'est un bon choix, va pour une paire de saï, à moins que tu ne le préfère en combinaison avec quelque chose de plus percutant? Parce-que entre tes lames parallèles, et ses saïs, contre un adversaire en armure lourde, cela risque d'être difficile, fit-elle remarqué, redevenu complètement sérieuse.
- Non, c'est trop lourd, et obligatoirement tenu en main gauche. Et elle aura besoin de sa main gauche. J'ai d'ailleurs besoin de deux bracelets.
- Bon, d'accord, deux saïs et deux bracelets, quoi d'autre?
- Tu en aurais une paire d'entrainement, en attendant que tu forge les définitifs?"

Elle hocha la tête, puis sourit. A priori, leur échange était terminé, et ils se tournèrent tous les deux vers Miry, attendant ses questions et ses remarques.

Décidément, cette femme était des plus rafraichissantes. Le rire était franc, pas du tout féminin, et démontrait parfaitement la force de caractère de la forgeronne. Mais aussi sa joie de vivre.

Puis elle reporta son regard sur Laurence, et partagea un regard complice avec lui. Elle aimait bien Rubis ; on pouvait vite se sentir à son aise avec elle, et ne pas avoir à feindre quoi que ce soit. Cela avait l'air d'être une femme très honnête, et il n'y avait pas besoin de jouer les hypocrites.

Attendrie et amusée, elle les regarda se lancer des piques comme si ils avaient quelque chose à se reprocher, tout en ressentant le profond respect qu'ils avaient l'un pour l'autre. C'était assez spécial, cette façon de ressentir quelque chose et d'en dire une autre, mais ce n'était pas la première fois qu'elle observait ce phénomène.

Ses yeux pétillèrent de malice lorsque Rubis lui raconta leur combat. Tout d'abord, il ne semblait pas être venu à l'idée de la forgeronne que cela pouvait ne pas l'intéresser. Oh, ce n'était pas le cas, mais ça aurait pu. Ensuite, Miry voyait bien qu'elle le revivait tout en le contant, tout en feignant d'être outrée par le comportement du jeune homme alors que la jeune femme pouvait sentir l'amusement et la fierté au fond d'elle.

Au moment de la chute de l'anecdote, Miry se retourna vers Laurence en haussant un sourcil. A son sourire moqueur, elle comprit qu'il avait bien fait ce que la femme rousse explicitait. Elle connaissait son côté taquin, mais n'aurait tout de même pas pensé qu'il put faire une chose pareille. De plus, cela en disait long sur sa maîtrise des lames.

Elle soupira intérieurement en écoutant la fin de l'histoire. ET dire qu'elle devrait rapidement approcher ce niveau sinon l'atteindre, pour ne pas être un poids mort pour Laurentius ... Elle n'était pas une novice en combat, mais le pratiquait seulement lorsque Laurence rentrait et lui dispensait son enseignement. Cela serait déjà une bonne base pour commencer, ou en tout cas elle l'espérait.

Puis Laurentius replaça la conversation dans le droit chemin en une petite phrase bien placée. Miry les écouta alors parler de l'arme qui lui serait destinée ; une paire de Saï, et des bracelets. Elle ignorait à quoi ressemblait un saï, mais se doutait que Laurence ne la laisserait pas longtemps dans l'expectative. Et elle n'avait pas tort.

Et pour finir, ils se retournèrent tous deux vers elle, dans l'attente de quelque chose. Elle se sentit obligée de poser des questions, qui de toute façon lui démangeaient la langue.

- J'aimerais savoir à quoi ressemble un saï si c'est possible, commença-t-elle. Ah, et maitriser ces lames sera-t-il plus difficile qu'avec des lames non courbées ?

Elle fit une petite pose, prenant un air pensif, puis demanda à nouveau, fronçant légèrement les sourcils.

- Ah, et comment des bracelets pourront-ils m'aider à combattre ?

Laurentius sourit aux questions de la jeune femme, puis fit un semblant de révérence, pour laisser parler la forgeronne. Celle-ci prit un ton didactique, et dit :

"Un saï, c'est un peu comme une lame de dague ou d'épée courte, mais au niveau de la garde, tu as deux espèces de cornes, aiguisées, qui partent en avant sur les côtés. Cela permet notamment de désarmé son adversaire en bloquant son arme entre la lame principale et une des lames secondaires, puis en tournant le poignet pour envoyer voler son arme. C'est le même principe qu'utilise Laurence pour ses lames parallèles vois-tu?"

Pour illustrer la leçon, l'homme dégaina ses deux armes, en coinça une entre les lames de l'autre, puis en tournant le poignet.

"Simple comme bonjour n'est-ce pas? demanda Laurentius avec un sourire."

Puis, pour la deuxième question, Rubis sauta sur ses pieds, et commença à houspiller Laurence.

"Comment, tu lui as jamais montré ces chefs-d'œuvres?! Tu ne les mérites vraiment pas, je devrais les récupérer sur le champ! Non, mais je vous jure! Elle se tourna ensuite vers Miry, puis continua ses vociférations : Le plus bel acier, forgé avec tout mon cœur! Des œuvres d'art, voilà ce que c'est, à peine sept livres par bracelet, des bras de détentes de six pouces capables de tirer à quinze pas sans problème!"

Elle se retourna de nouveau vers Laurentius, puis sembla tomber des nues encore une fois.

"Bon, bah montre lui! Ah bon sang, t'étais bien plus vif et attentionné avec moi après avoir partagé ma couche, pff, j'vous jure, les hommes..."

Elle grommela encore, pour la forme, marchant partout dans le salon, comme si elle cherchait quelque chose à massacrer. Mais ce n'était pas vraiment de la colère, juste du mécontentement car selon elle, tout le monde devait pouvoir admirer ses meilleures armes.

"Hey, ça va hein... Ce sont des armes, censées être secrète, et en plus, elle les à déjà vu. Bon, pas en action, c'est vrai... Mais mince, Rubis, c'est des armes mortelles, je vais pas en faire étalage. Et puis, d'abord je te rappelle que si on a fini au lit, c'est parce-que tu refusais de mettre une veste ou au moins un pantalon! Rah, j'aurais mieux fais d'envoyer voler ton arme à dix pieds de toi, ça m'aurait épargner plein d'ennuis, pff!"

Puis il la regarda, et finalement éclata de rire. Il était impossible qu'ils s'en veuillent bien longtemps. Laurence remonta ses manches, montrant ses bracelets de force à Miry, puis s'écarta de deux pas, et tendit le bras droit devant lui. Il appuya sur un petit mécanisme, qui fit jaillir quatre bras métalliques du bracelet, tendant deux cordes retenues par deux petits carreaux d'arbalètes : un au dessus du poignet, et un en dessous.

Puis braqua son arme vers une des poutres de la pièce, puis fit un mouvement du poignet, tirant sur un petit tiroir, et le carreau du dessus fila, venant se planté dans la poutre. Il retourna l'avant bras, et refit un peu le même mouvement, et le deuxième carreau partit avec la même célérité se planté à un pouce du premier.

"Tu vois, des pièces de toutes beautés, qui t'ont sauvé la vie plus d'une fois je parie!"

"Simple comme bonjour n'est-ce pas?"

Oui, en effet, elle comprenait déjà comment réaliser le mouvement. Il lui faudrait sûrement de la pratique, mais le principe était simple.

- Oui, je vois, dit-elle pour donner confirmation à la forgeronne.

La jeune femme ouvrit des yeux emplis de surprise lorsque Rubis se mit à gronder Laurentius. Ce n'était pas forcément qu'elle était mécontente, elle semblait un peu déçue, un peu contrariée. Mais cela obligea la jeune femme à se murer de nouveau derrière sa protection. Sans cela, elle aurait ri. Son "maître" qui se faisait reprendre comme un enfant, on avait pas la chance de voir cela tous les jours.
Elle écouta donc stoïquement la tirade de la jolie rousse contrariée et la regarda se retourner vers Laurence. Il n'avait pas bougé d'un poil, un léger sourire aux lèvres. Il devait réellement bien la connaître pour ne pas s'offusquer de ce haussement de ton. Cela signifiait aussi que Miry n'avait rien à craindre pour le moment. Elle se détendit, et se retint de jeter un regard amusé à Laurence lorsqu'elle comprit la raison de cette complicité qu'elle pouvait sentir entre eux. Cela expliquait cette espèce de tendresse dissimulée qu'elle pouvait encore identifier, même si elle était très faible.

"Hey, ça va hein... Ce sont des armes, censées être secrète, et en plus, elle les à déjà vu. Bon, pas en action, c'est vrai... Mais mince, Rubis, c'est des armes mortelles, je vais pas en faire étalage. Et puis, d'abord je te rappelle que si on a fini au lit, c'est parce-que tu refusais de mettre une veste ou au moins un pantalon! Rah, j'aurais mieux fais d'envoyer voler ton arme à dix pieds de toi, ça m'aurait épargner plein d'ennuis, pff!"

Avec un demi-sourire, Miryäna se dit qu'elle ne manquerait pas de demander les détails de cette petite aventure une fois rentrés. N'en savoir que la moitié la frustrait légèrement, et elle se retenait à grand peine d'essayer d'imaginer ce qui avait bien pu se passer. De toutes les façons, elle n'avait pas encore l'expérience nécessaire pour s'imaginer correctement la scène, mais cela, elle l'ignorait.

Finalement, lorsque Laurence éclata de rire, la jeune femme brisa sa carapace et vint se placer à son côté pour pouvoir observer correctement les bracelets. Elle l'observa donc utiliser les bracelets sur une des poutres, ce qui ne dérangea apparemment pas Rubis. Mais tout en observant les armes si bien dissimulées, Miry se dit que ce genre de chose était fait pour elle. Aisément pris en main, aisément actionné, et d'une efficacité certaine. Cela ne demanderai pas trop de travail, à part peut-être pour la visée.

- Il ne le dira pas, mais je sais qu'il vous est reconnaissant, fit-elle à Rubis en posant une main sur l'épaule du jeune homme, en souriant. Et moi je le suis aussi.

Elle échangea un regard avec la forgeronne, puis demanda de nouveau :

- Me sera-t-il possible de vous observer travailler ? J'avoue que je suis curieuse ...

Oui, elle avait toujours admiré ceux qui avaient un talent et savaient créer et inventer de leurs mains. Que savait-elle faire, elle ?

Laurentius replia les bras de ses armes, les réarmant par la même occasion, et alla chercher les deux carreaux planté dans la poutre. Rubis, quant à elle, n'avait pas bronché lorsqu'il les avaient tiré. Elle devait bien avouer qu'elle se fichait pas mal de sa maison, tant qu'on ne touchait pas à son atelier.

Puis Miry posa sa main sur l'épaule de Laurence, et la remercia de sa part. Il émit un soupir, et haussa les épaules, alors que la forgeronne se mit à sourire tendrement en les regardant tous les deux un instant. Puis elle lâcha, sur un ton entendu :

"Oh, ne t'en fais pas, je le connais cette tête de mule. Qui crois-tu qui lui ai appris à manier les bracelets?"

Elle ponctua sa phrase d'un clin d'œil, et releva elle même ses manches pour montrer une paire quasiment identique de bracelets de force, la couleur exceptée. Les siens étaient fait d'un cuir et d'un métal peint en rouge.

Elle sourit d'heureux chef, puis se leva, lorsqu'elle lui demanda la permission de la regarder travailler. Elle allait répondre par la positive, quand elle vit Laurence dénié de la tête. Elle fit la moue, puis finalement c'est lui qui reprit la parole.

"Je suis désolé ma belle, mais il lui faudra plusieurs jours pour les forger, et en attendant, il faudra déjà commencer ton entrainement. Il se tourna ensuite vers la forgeronne, et demanda : Dis-moi, tu n'aurais pas encore en stock une paire de bracelet d'entrainement? Tu dois toujours avoir les miens qui trainent quelque part non?"

Elle hocha la tête, puis leur fit signe d'attendre un instant. Elle passa dans une arrière pièce, et revint à peine trente seconde plus tard, avec deux bracelets grossiers faits de métal. Elle les tendit à Miry.

"Tiens, prend, ils font à peu prêt le même poids que ceux que je vais forger. Tu va avoir du mal à les garder toute la journée, mais si tu y arrive, tu pourra porter les autres sans problème. N'oublie pas qu'en plus d'eux, tu devra parfois manier une lame de plusieurs livres. Ah, et une dernière recommandation : prend soin de toi. Si tu as des armes de guerre, c'est pour aller dans ce genre de combat, ne l'oublie jamais. Donne moi ton bras droit."

Lorsque la jeune femme le lui tendit, elle mesura à l'aide d'une cordelette tiré de son tablier la longueur et la circonférence en plusieurs point de l'avant bras de Miry, puis fit de même avec le bras gauche.

Il se tourna ensuite vers Laurence, et s'avança vers lui. Il le prit dans ses bras, et le serra un instant, lui murmurant une phrase que lui seul entendit. Elle se recula ensuite, et il hocha la tête simplement. Il semblait sérieux d'un coup, tout comme elle. Puis il tendit son bras à Miry, pour s'en aller.

Accrochée au bras de Laurence, la jeune femme était pensive. Il lui faudrait tout d'abord se muscler pour réussir à manier correctement les bracelets, quitte à les porter du matin jusqu'au soir pour s'y habituer. Mais cela serait un affaire d'habitude. Ce qui l'inquiétait un peu plus était l'entraînement qu'elle devrait subir pour parvenir à manier les Saïs avec finesse pour ne pas risquer de Blesser Laurence malencontreusement.

Silencieuse, elle se remit à penser à un certain nombre de choses qui s'étaient dites. Puis elle tourna son regard bleu vers Laurence, et lui demanda doucement :

- Tu as dit que j'aurais besoin de ma main gauche ... Pour quoi faire exactement ?

Puis elle hésita un moment, et l'interrompit avant qu'il ne puisse répondre.

- Ah, avant que tu me répondes ... Je voudrais savoir ce qu'elle t'a dit avant que nous partions, si cela me concerne.

Elle avait repris son masque impassible, mais sa voix reflétait son inquiétude. Malgré son don, elle n'était pas certaine de ce qui venait de se passer. Et ce changement soudain chez Laurence l'avait inquiété. Aussi elle attendit patiemment sa réponse, espérant qu'il puisse lui révéler ce qui ce cachait derrière cet aparté.

Laurentius et Miry sortirent de la maison, et revinrent dans la rue. Ils l'entrainait maintenant vers le quartier marchand. Normalement, il devriat y avoir le marché, et comme il faisait plutôt beau, cela serait agréable.

Lorsque la jeune femme posa sa première question, il tourna la tête vers elle, en souriant, prèt à répondre, quand elle le coupa, pour lui demander ce que Rubis lui avait murmurer. A cette question, il réfléchit un instant, puis finalement hocha les épaules.

"Elle m'a fait promettre de veiller sur toi et de revenir la voir en vie encore plusieurs fois, c'est tout. Tu vois, rien de bien important, petite curieuse."

Il sourit, puis tourna la tête vers le marché qui se profilait au bout de la rue. Il décida de répondre à la première question.

"Et bien, comment tu recharges et tu arme ton bracelet si tu n'as pas de main de libre? Il t'en faut donc une sans arme, ou en tout cas, sans arme que tu ne puisse pas jeter. Une arme combinée ne peut pas être lâcher sans risquer de perdre tout marge de manœuvre, alors qu'un saï, si besoin est, tu peux le lancer sur ton adversaire."

Il la regarda, puis sourit d'heureux-chef, avant de rajouter :

"Tu es si pressé que cela d'apprendre à te battre correctement?"

Il sourit, alors qu'ils arrivaient à la place du marché. Maintenant, il fallait des vêtements pour Miry, et un chapeau.

- Ah, je comprends mieux ...

Oui, cela devenait tout de suite plus clair. Ses yeux se portèrent sur le marché, un peu plus loin devant eux. Les gens commençaient déjà à arriver ; les commerçant finissaient de s'installer, et s'invectivaient gentiment d'un côté à l'autre de la rue. Miry consolida ses murailles de protection, et répondit à Laurence.

- Pas spécialement pressée. Mais je suis curieuse, tu le sais. Et puis, je connais déjà quelques bases de rien du tout.

Elle fit une pause, puis reprit, esquissant un sourire un peu figé.

- Et je me demandais donc quel entrainement il me faudrait pour ne pas être un fardeau pour toi.

Elle reporta son regard sur le marché, tournant légèrement la tête dans la direction opposée à celle de Laurence. Elle était très sérieuse en évoquant ce fait, et elle espérait qu'il le prendrait ainsi.

- Et sinon, quelles sortes de vêtements cherchons-nous ?

Ils atteignaient déjà les abords du marché. Les regards se tournèrent à nouveau vers eux, de façon peu discrète, femmes et hommes confondus.

Laurentius marchait tranquilement, étant sur ses gardes. Le marché pouvait être risqué dans la mesure où n'importe qui pourrait vouloir attenter à sa vie. Par contre, l'avantage, c'est qu'on ne peut que difficilement fuir à cause de la foule. Donc, s'il était eux, il n'attaquerait pas pour le moment. Il se détendit légèrement, et répondit à Miry.

"Oh, tu découvrira tout cela en temps et en heure. Profites de tes dernières heures de tranquilité! Et puis, tu sais, je ne partirais pas ni ne t'emmènerais avec moi tant que tu ne saura pas convenablement te défendre, selon mes critères."

Il hocha la tête d'un air rassurant pour la jeune femme, puis regarda de nouveau le marché. Les regards s'étaient tournés vers eux, mais il s'en fichait. Ce n'était pas comme si on parlait de lui dans les hautes sphères de la société... Ou en tout cas pas dans celles que ces gens-là côtoyaient.

"Et bien, il te faut au moins deux tenues d'entrainement. Je préconise une tunique avec un pantalon, ainsi que quelque chose pour t'attacher les cheveux. D'ailleurs, il est possible qu'il faille en couper une partie, mais on verra ça plus tard. Pour le moment, deux tuniques, deux pantalons, une solide paire de botte et un chapeau. A toi de choisir!"

Il lui fit une légère révérence, puis s'engagea avec elle dans le marché.

La jeune femme eut un léger rire.

- Entendu, je vais profiter le plus possible.

Gênée, elle se focalisa sur la rue qui s'ouvrait devant elle. Les regards des gens la déstabilisaient toujours un peu, même si elle ne pouvait sentir que curiosité émanant d'eux. Elle avait toujours l'impression d'être une bête de foire dans ces moments-là. Et ce n'est pas vraiment une sensation agréable.

- Tunique et pantalon, d'accord. Deux exemplaires donc ... Je ferai de mon mieux.

Elle sourit à Laurence, brisant légèrement sa protection pour y mettre un peu de chaleur. Se promener avec une statue de glace ne devait pas être très agréable, qu'elle soit jolie à regarder ou non.

- Quant à mes cheveux, ne t'en fais pas. Ils repousseront, ce n'est pas cela qui va m'arrêter. L'idéal serait de les couper au dessus des épaules ?

Ils approchaient des étals de fruits et légumes de saison, et elle se prit à regarder ce que les marchands vendaient. La ménagère reprenait le dessus. Un peu plus loin se trouvaient les boutiques de vêtements, elle le savait. Ceux vendus sur le marché n'étaient pas d'assez bonne qualité pour qu'elle s'y intéresse vraiment.

Laurence la regarda, et sentit un instant un sentiment, certes diffus, mais existant. Il lui sourit, malicieusement, comme partageant un secret qu'eux seuls connaissaient, puis revint à ses interrogations.

"Le mieux pour des vêtements de combat, c'est le cuir. Ça reste souple, mais cela offre tout de même une certaine protection contre les lacérations. Évidemment, ça ne vaut pas un plastron de bon acier, mais c'est beaucoup moins encombrant aussi. Oublie l'idée de porter du tissu pour te battre. Quand tu commence à suer, le tissu te colle à la peau, gênant tes mouvement, et niveau protection, autant te battre nue."

Il savait de quoi il parlait : une de ses cicatrices était dut à un combat qu'il avait dut mener en costume de bal. D'ailleurs, il avait terminé échauffourée torse nu.

"Il ne sera peut-être pas nécessaire de les couper, nous verrons s'ils peuvent être attaché et glisser sous ta chemise, sans pour autant gêner tes mouvements de tête. Il faudra essayer, voilà tout."

Il regardait à droite, à gauche, s'intéressant tout autant aux étals et aux produits se trouvant dessus qu'aux gens qui le regardait ou non. La force de l'habitude est immuable disaient certain, et il voulait bien les croire.

Toutefois, il avait aussi une chose en tête. Il cherchait quelque chose à offrir à Miry, quelque chose pour marqué le début de son apprentissage.

La jeune femme rendit un regard teinté de tendresse à Laurence lorsqu'il lui sourit d'un air complice. Ils avançaient toujours dans le marché, regardant à droite,à gauche ce que les étals proposaient. Ils était passés devant la nourriture et arrivaient maintenant dans la partie qui regroupait l'artisanat. Orfèvres, menuisiers, bijoutiers, tailleurs de pierre, tous se regroupaient dans cette partie pour vendre quelques bibelots aux touristes ou aux passants.
Soudain, Miryäna s'arrêta et se tourna vers une devanture en bois d'ébène, dont l'entrée était entourée par deux étals. Elle se tourna vers Laurentius.

- Ici cela devrait convenir, non ?

Elle connaissait le tenancier de vue, et savait tout le bien que l'on disait de lui. Il vendait essentiellement des vêtements de voyage, simples, pratiques et résistants. Ils trouveraient sûrement de quoi faire dans cette boutique, que Laurentius devait probablement connaître. Elle poussa donc la porte qui tintinnabula doucement en tournant sur ses gonds. De toute façon, même s'ils ne trouvaient rien, ils pourraient toujours essayer un autre endroit.

Sur les étagères, penderies et présentoirs s'alignaient des vêtements de couleur allant du vert au gris en passant par le marron. Les cuirs étaient rangés un peu plus loin. Pantalons, capes, chemises, tuniques, guêtres, chapeaux, tout y était, sauf les chaussures. Que se soit en laine, en lin, ou en cuir, tout pouvait se trouver ici.

- Bien le bonjour, chers clients. Qu'est-ce que cela sera ? Fit une voix grave, avançant vers eux.

Un homme d'un cinquantaine d'années, aux yeux verts et aux cheveux déjà grisonnants apparut entre deux étagères. Son regard était vif, et son visage peu atteint par les rides de l'âge. Mais il paraissait ailleurs, et là, dans le même temps. Son regard se posa sur Laurence, le jaugea. Puis fit de même avec Miry ; il haussa un sourcil.

- Pour la Dame, donc. Que cherchez-vous exactement ?

Laurence regardait autour de lui, quand soudain, il manqua trébucher. La jeune femme s'était arrêté nette, et regardait une devanture. Effectivement, le magasin qu'ils avait devant les yeux pouvait tout à fait convenir à leurs besoins.

"Oui, je pense qu'on devrait trouver tout ce qu'il nous faut. Va-y, je te suis."

Il regardait autour de lui, puis passa le seuil de la porte. Dans la boutique, l'air charriait une odeur de cuir et de teinture pas désagréable. Il n'avait pas l'habitude de se fournir ici pour ses vêtement, mais cela pourrait changé.

Tout était relativement propre et il n'y avait pas trop de monde. Il fallait maintenant voir la qualité des marchandises. D'ailleurs, il se penchait sur un des articles d'un rayonnage, quand une voix derrière lui le fit se relever. Il se retourna, et regarda le tenancier qui lui avait parler. Un peu trop mielleux à son goût, mais peut-être était simplement un vendeur et non le propriétaire de l'établissement.

Il lui rendit son salut en touchant le bout de son chapeau de deux doigts et en hochant très légèrement la tête.

Puis lorsqu'il parla de nouveau, Laurentius hocha la tête. Au moins il avait l'œil. Le jeune homme, habillé de vêtement de qualité et de voyage n'avait à priori pas besoin de nouveau atours. Par contre, Miry, dans son fourreau bleu, n'était visiblement pas du tout habillé pour le voyage.

"Effectivement, ça sera pour la dame. Nous cherchons deux tenues aptes au voyage, en cuir. De plus, il faut quelque chose qui ne gêne pas ses mouvements, et sans tissu. Plutôt une tunique et un pantalon. Ainsi qu'une paire de bottes solide. Mais c'est elle qui choisit, je ne fais que regarder et donner mon avis."

Il sourit un instant à Miry, puis se recula d'un pas, la laissant aux mains de l'homme, sans pour autant l'abandonner.

- Deux tenues de voyage donc. Laissez-moi vous regarder ...

Il jaugea une ou deux fois Miry du regard, lui demandant de se tourner pour qu'il puisse voir quel genre de tenue lui conviendrait. Puis il lui demanda d'attendre un instant, et fureta dans ses étagères, prenant ça ou là un vêtement et l'entassant avec les autres dans ses bras.

- Vous êtes sûrs de ne pas vouloir du tissu ? Demanda-t-il de derrière une étagère. Parce que le cuir fait très rapidement transpirer. Et les mouvements deviennent vite inconfortables à ce moment-là.

Il réapparut un instant, prit dans ses mains un vêtement de couleur bleu-gris, et disparut à nouveau.

- C'est pour ça que généralement il y a au moins un chemisier en lin. C'est un tissu qui respire, vous voyez ? Il ne gène généralement pas même en cas de forte chaleur.

Puis il revint se poster devant le couple. Miry ne put retenir un petit sourire en coin. Ce vendeur était amusant. Elle jeta un oeil à Laurence pour voir ce qu'il avait à en dire.

Laurentius regarda l'homme, fixement, puis finalement répondit :

"En ce qui concerne le tissu, je n'accepterais qu'un rembourrage en laine, et non en lin. La laine ne va pas lui coller à la peau, alors que le lin lui va le faire, surtout s'il sert de couche sous le cuir. De toute manière, vos pièces de cuir ne sont pas doublée laine vierge?"

Il pencha la tête, et attendit un instant. Ce marchand était peut-être serviable, mais si leur pièces de cuir n'étaient pas doublé, ce n'était pas la peine de perdre plus de temps ici. Ce genre de vêtements coutaient cher, étaient rarement demandés et assez spécifique.

Il était hors de question que Miry porte du tissu, quel qu'il soit, sous sa tenue. Elle allait transpirer, elle pouvait aussi saigner, et il était hors de question que le tissu se mette à lui coller à la peau. La laine vierge avait l'avantage de servir de rembourrage et de ne pas craindre la sueur.

Et puis, il s'agissait là que de la première boutique. S'il le fallait vraiment il était prêt à aller se fournir carrément au tanneur du Conservatoire, mais en dernier recours.

Un sourire légèrement narquois vint naitre sur les lèvres du vendeur.

- Eh bien, voilà un client que je devrai prendre au sérieux. Laissez-moi une minute, je reviens.

Il déposa sans plus de délicatesse son tas de vêtement et partit dans l'arrière-boutique. Miryäna l'écouta faire, échangeant un regard avec Laurentius. Elle comprit rapidement ce qui se passait. Le vendeur venait subitement de changer sa condescendance pour du respect.
Il revint avec deux ou trois exemplaires de ce qui semblait être un corsage féminin tout en cuir. Il en tendit un à Laurentius.

- Est-ce que la qualité de ces pièces vous convient ?

Pendant que le jeune homme examinait le vêtement, le vendeur expliqua, un soupçon de mépris dans la voix.

- Ici personne ne voyage vraiment. Cela serait du gâchis que de vendre ce genre d'articles à des personnes qui veulent simplement gagner en prestige en faisant croire qu'ils sont des aventuriers. Seuls les véritables voyageurs savent quoi me demander, et j'ai toujours ce qu'il faut au cas où ...

Puis il se tut, observant Laurentius jauger les pièces qu'il lui avait apporté. La jeune femme se contenta de les observer tous les deux, analysant la situation en profondeur. Le vendeur était soulagé de ne pas avoir à arnaquer à nouveau un de ses clients en lui vendant un semblant de tenue de voyage. Il pouvait enfin faire valoir son savoir faire auprès de personnes qui le reconnaîtraient. Laurence lui, semblait surpris de retournement de situation, et un peu agacé aussi. Mais elle ne parvenait pas à définir si le travail de l'artisan lui convenait, ou non. Elle attendit, ses yeux bleus posés sur le jeune homme.

Sans demander son reste, le marchand était parti chercher ce qu'il avait de mieux. Enfin, c'était ce qu'il disait. Laurence n'était pas dupe pour autant. Il savait ce qu'il lui fallait, il avait même été formé à les reconnaitre. Et cela faisait près de quinze ans qu'il ne portait quasiment plus que cela.

Il profita de l'absence du marchand pour dire à Miry :

"On va peut-être devoir aller ailleurs..."

Puis avant qu'elle ne puisse répondre, le marchand revint avec deux espèces de bustier, et lui en tendit un. Il le prit, et commença à le regarder sous toutes les coutures. Il venait peut-être de parler un peu trop vite.

Tout d'abord, les coutures. Effectuées avec du gros fil, doublé intérieur et extérieur, cela pouvait résister des semaines voir des mois sans problème. La doublure quant à elle était bien en laine vierge, sur presque un pouce d'épaisseur. Il la tâta pendant presque trente seconde, pour vérifier qu'elle était bien attaché, et qu'il ne s'agissait pas simplement d'une mince couche de laine.

Il retourna le corset, et vérifia le laçage dans le dos. Le cordon de cuir était solide, mais les passant eux n'était pas doublé de métal. Il était vrai que la ville connaissait une certaine pénurie de matière première, mais ce n'était pas une raison. Il nota mentalement ce fait, puis continua son inspection. Le cuir était clairement traité, surement contre l'humidité, et peut-être même contre les éraflure. Il manquait un peu d'huile, mais rien d'étonnant à cela.

Par contre, fait notable, le bustier était fait en deux uniques pièces de cuir. C'était assez rare pour être noté, et très appréciable. Il n'y avait aucun risque qu'une couture craque au mauvais moment de ce côté là.

Après donc presque cinq minutes d'inspection, il releva le repose le regard sur le marchand, et lâcha son verdict.

"Le cuir est de bonne qualité, tout comme les coutures. La laine vierge est bien cousue, je n'ai rien à redire. Il y a seulement une chose à revoir : les passants du laçage. Je les veux doublés de métal, et non simplement de cuir. Ensuite, combien de temps mettrez-vous pour les faire ajuster? Je les veux aussi près du corps que possible, et évidemment cela demande des retouches."

Il se retourna ensuite vers Miry, et lui tendit le corsage.

"Qu'en dis-tu? Après tout, c'est toi qui va le porter..."

Il sourit, amusé. La décision ne lui revenait pas entièrement.